Changement de règles du jeu pour l’agroalimentaire français. L'ONG allemande Foodwatch, spécialiste de la dénonciation des fraudes alimentaires arrive dans l’Hexagone et veut forcer les industriels à être plus transparents sur leurs produits. Premières cibles de sa campagne : la dinde "à l'étouffée" (E.Leclerc), une vinaigrette "aux tomates séchées" (Puget), des yaourts bio "aux fruits" (Vrai), des tortellini "au jambon cru et parmesan" (Lustucru) et une soupe en sachet "au boeuf et aux carottes" (Maggi).
Une étiquette qui cache bien son jeu... Le problème selon Ingrid Kragl, porte-parole de Foodwatch interrogée par Europe 1, est qu’"il y a une volonté d’induire sciemment le consommateur en erreur". Preuve à l’appui : pour les tranches de filet de dinde "100% filet", le produit ne contient que "84% de viande, le reste c'est de l'eau, des additifs et du sel", dénonce l'ONG. Pareil pour la vinaigrette "huile d'olive extra, vinaigre balsamique, tomates séchées" de Puget, qui contient seulement 1% de tomates, et surtout de l'huile de colza et du vinaigre blanc. La farce des tortellinis au jambon cru de Lustucru contient seulement 24% de jambon, tandis que les yaourts "bio aux fruits rouges" n'en contiennent pas un gramme, mais "seulement des arômes pas bio du tout" insiste l'ONG.
En fait, les industriels jouent sur les mots. "On a le droit dans un plat de pâtes bolognaises de séparer les pâtes de la sauce. Ainsi, une marque peut mettre en avant un fort taux de viande alors qu’il ne représente qu’une petite partie du total du produit", explique Thomas Laurenceau de 60 millions de consommateurs, au micro d’Europe 1. Et les techniques des industrielles sont très variées, ajoute-t-il. Par exemple, une marque écrit en gros fraise et en petit arome. Et le consommateur prend le produit sans faire attention.
Tout en restant dans la légalité. Pour chaque produit, Foodwatch a contacté l'industriel concerné et réclamé des explications, rarement obtenues puisqu'"aucune loi ne contraint les fabricants à la transparence", souligne Ingrid Kragl. Le pire étant que "les fausses déclarations sont légales" au regard de la loi française, même si elles sont "illégitimes", insiste la porte-parole de l’ONG. Michel-Edouard Leclerc a d’ailleurs dénoncé sur son blog un "coup de com'" de l'organisation. "Non, il n'y a pas de malveillance, il n'y a pas tromperie, il n'y a pas de mensonge", a-t-il réagi. "On peut discuter de la pertinence d'une offre, on peut choisir un produit avec des taux de saumure différents mais si le législateur a encadré et prévu qu'on mentionne ces taux (ce que la marque ciblée a fait), c'est bien pour qu'il y en ait pour tous les goûts", a-t-il souligné.
Changer les règles du jeu. Pour Foodwatch, "le but n'est pas que le fabricant change de recette mais qu'il joue la transparence, éventuellement qu'il modifie certains ingrédients". Si l'ONG cible l'industrie, elle dénonce aussi la grande distribution qui met ces produits en rayons sans les contrôler. "Toute la chaîne doit être tenue pour légalement responsable : les distributeurs ne peuvent échapper à leurs responsabilités", estime l’ONG. En lançant sa première campagne en France, Foodwatch envoie un message aux industriels assure Ingrid Kragl : "On vous tient à l’œil".
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