D’Astérix à Corto Maltese, en passant par San Antonio, Le Petit Nicolas ou Vipère au poing et son célèbre personnage de Folcoche : tous ces personnages ont déjà été adaptés au cinéma. Mais pour d’autres, le passage de la feuille de papier au grand écran a mis beaucoup plus de temps. Europe1.fr vous explique pourquoi Tintin, Le Petit Prince, ou encore le Club des cinq ont été boudés au ciné.
Tintin, retardé par la mort d’Hergé
L’histoire de Tintin au cinéma est celle d’un rendez-vous manqué. Dès 1981, Steven Spielberg découvre la saga, peu connue aux Etats-Unis, et à laquelle la presse européenne compare son travail de cinéaste. Il décide alors de rencontrer Hergé, pour lui proposer une adaptation des aventures du reporter globe-trotter.
Concours de circonstance : alors qu’il doit rencontrer Spielberg, en janvier 1983 à Los Angeles, Hergé, affaibli par la maladie, ne peut s’y rendre. Deux mois plus tard, le créateur de Tintin meurt, et c’est avec sa veuve que Spielberg traite. S’il souhaite toujours adapter la saga, le processus est ralenti. Un script ne verra le jour qu’en 1985, et l’acteur Henry Thomas, qui joue Eliott dans E.T, est envisagé pour jouer Tintin. Il faudra pourtant attendre 2002 pour relancer le projet.
Trente ans après la découverte de Tintin par Spielberg, le personnage fera bientôt son apparition sur grand écran. Le premier volet de la trilogie en 3D, intitulé Le Secret de la Licorne, sortira le 26 août prochain.
Le Petit Prince, intouchable ?
S’il y a bien un personnage universel par excellence, c’est le Petit Prince. Et si étonnant que cela puisse paraître, le livre d'Antoine de Saint-Exupéry, écrit en 1943, n’a été adapté au cinéma français qu’une fois en 1990. L’adaptation de Jean-Louis Guillermou s’était à l’époque attirée les foudres des critiques. "Lire le Petit Prince, c’est vivre des émotions, à chacun les siennes (…) Vouloir montrer un désert dans un film exposant le livre, c’est s’opposer aux images de l’imagination du spectateur", explique à Europe1.fr Emmanuel-Yves Monin, spécialiste du Petit Prince, et auteur de L'Esotérisme du Petit Prince. Voilà pourquoi, selon lui, l’adaptation du roman ne peut être que "très mauvaise".
D’où la volonté des ayants-droits de protéger scrupuleusement l’esprit de l’oeuvre originale. L’an dernier, Olivier Agay, petit-neveu de l’auteur, et détenteur des droits du roman, a tout de même accepté l’adaptation du roman en série animée, diffusée sur France 3.
Mais les héritiers de Saint-Exupéry ne règneront pas indéfiniment sur son œuvre, car celle-ci tombera dans le domaine public en 2014, soit 70 ans après sa mort, comme le veut la loi. Il ne sera donc plus nécessaire de demander aux ayant-droits leur autorisation pour l’adapter. Le Petit Prince sera d’ailleurs transposé au cinéma, en 3D, avec le budget astronomique de 45 millions d’euros. Côté réalisation, on retrouvera Mark Osborne (Kung Fu Panda).
Bécassine, freinée par les indépendantistes bretons
Du côté des personnages féminins de notre enfance, Bécassine fait figure de parent pauvre du cinéma. Transposée en 1939 dans un film de Pierre Caron, la célèbre employée de maison n’a depuis plus eu les honneurs du grand écran. "Elle a intéressé les gens de cinéma, Jean Renoir était même sur le point de tourner Bécassine dans les années 30, et avait hésité entre tourner la Règle du jeu et Bécassine", raconte Bernard Lehembre, spécialiste du personnage et auteur de Bécassine : une légende du siècle.
Mais la fronde des indépendantistes bretons a refroidi les ardeurs du 7e Art. "La Guerre a beaucoup changé le rapport au personnage, ils reprochaient à Bécassine d’avoir accepté d’être française, et d’incarner l’esprit de la résistance", décrypte l’écrivain. Ainsi, lorsque Pierre Tchernia a cherché à adapter les aventures de Bécassine en série télévisée dans les années 50, "le lobby breton a essayé d’empêcher cela (...) Un député breton avait fait pression au plus haut sommet de l’Etat".
Un extrait du film de Pierre Caron :
Martine, ultra protégée par Casterman
S’il y a bien une œuvre qui est protégée par ses ayant-droits, c’est la série Martine. L’héroïne sur laquelle l’éditeur Casterman veille jalousement sera bientôt - et pour la première fois - sur petit écran en dessin animé, avec une série de 52 épisodes de 13 minutes, diffusés sur M6. Un véritable exploit pour les producteurs, tant l’éditeur est pointilleux. Dernière preuve en date : en 2007, lorsqu’un site Internet proposait de fabriquer de fausses couvertures de Martine, permettant ainsi à chacun de faire fonctionner son imagination - pas toujours avec bon goût d’ailleurs -, l’éditeur a demandé sa fermeture pure et simple. Et l’a obtenue.
Le Club des cinq, pas encore dans le domaine public
Autres personnages phares de nos bibliothèques, ceux des fameuses bibliothèques rose et verte : Les Malheurs de Sophie, Fantômette, Le club de cinq, Oui-Oui… Si Les Malheurs de Sophie, de la Comtesse de Ségur, a été adapté en 1981 par Jean-Claude Brialy, le mythique Club des cinq le sera bientôt. Une histoire particulièrement cinématographique, mais qui n’est toujours pas dans le domaine public. Son auteure, Enid Blyton, n’est en effet décédée qu’en 1968. Comme en France, son œuvre tombera dans le domaine public après 70 ans, en 2038.
Malgré cela, en accord avec la société Enid Blyton ltd, qui gère les droits de son œuvre, Sam Films a débuté cette année la production de l’adaptation sur grand écran des aventures du groupe d’adolescents, imaginées par Enid Blyton, et vendues à plus de 600 millions d’exemplaires. La réalisation du film a été confiée à Mike Marzuk (Rock it !).
Quant à Fantômette, la célèbre aventurière masquée, elle, n’a pas encore eu les honneurs du cinéma. Et ça ne semble pas près d’arriver. Le dernier projet d’adaptation, signé Olivier Assayas, a été suspendu, après de nombreux autres. En cause notamment, la piètre qualité des adaptations télévisées de la série de livres. De quoi refroidir les producteurs.