La fronde. "Nos chères têtes pensantes, nos élus politiques, les membres de notre gouvernement et ceux autour du président de la République […], ils ne voient pas la détresse des gens." La charge, lancée mercredi sur Europe1, est signée Nadine, déléguée syndicale FO du groupe Doux, l'un des symboles des difficultés de l'agroalimentaire breton. Après l’annonce d’une nouvelle fermeture d’usine dans le secteur de l’agro-alimentaire, en l’occurrence l'abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau, le ton est monté d'un cran en Bretagne, poussant le Premier ministre à organiser une table ronde mercredi, en présence de six ministres. Plusieurs manifestations se sont encore tenues ce week-end et en début de semaine, dans le Finistère notamment. L'une des plus spectaculaires : celle de Châteaulin, samedi, où 200 éleveurs ont tenté de prendre d'assaut un "portique écotaxe" protégé par des gendarmes mobiles.
>> Ces curieux édifices installés sur les routes hexagonales sont régulièrement pris à partie par les éleveurs bretons, devenant ainsi le symbole de leur grogne. Mais à quoi servent-ils?
L'écotaxe. Parmi les principaux motifs d'insatisfaction des éleveurs se trouve la mise en place de l'écotaxe, cette taxe sur les poids lourds de 3,5 tonnes. La mesure ne concerne que les camions circulant sur les routes nationales non payantes. Ce qui revient à taxer tous les axes routiers bretons, puisqu'il n'y a pas d'autoroutes. Prévue pour être effective en janvier, son montant dépend du nombre de kilomètres roulés et de la taille du véhicule. Elle doit rapporter 1,2 milliard par an à l’État, mais elle pénalise les éleveurs bretons, déjà soumis à une grave crise du secteur. "Nous sommes une péninsule, loin de tout et sans une seule autoroute. Or, avant d'être vendu, le poulet breton est un poussin que l'on transporte au poulailler. Puis il est conduit à l'abattoir, avant de rejoindre un distributeur puis un point de vente. Il y aura autant de taxes versées que de déplacements", explique ainsi au Figaro Thierry Merret, le président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles.
Les portiques. Pour s'assurer du bon fonctionnement de la taxe, 172 portiques (dont 10 en Bretagne) ont été installés sur les routes. Et trois d'entre eux ont déjà été renversés par des éleveurs bretons. Bijoux de technologie, ils permettent de vérifier que les camions sont bien équipés du système obligatoire (une sorte de GPS) permettant de le localiser et de transmettre le nombre de kilomètres parcourus par les camions. Un système qui permet ensuite aux douanes de savoir exactement le montant de la taxe à appliquer à chaque camion. En clair, les camions passent sous le portique et ce dernier détecte la présence ou non de ce système. Si le camion n'est pas équipé, l'information est transmise aux douanes, et le camion est passible de sanction financière.
Un système efficace ? S'il pénalise le secteur agroalimentaire en Bretagne, il devrait en revanche réjouir les défenseurs de l'environnement. "Les effets ont été testés en Allemagne : on peut s’attendre à une modification du parc vers des véhicules les moins polluants et des retours à vide moins fréquents estimé à 20%", assure en tout cas la mairie de Prinquiau (Loire-Atlantique) sur son site internet, après avoir menée une enquête pour renseigner ses administrés sur l'installation de cet édifice.
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