C'est un chiffre à donner le vertige. Les déboires de la banque franco-belge Dexia, en cours de démantèlement, ont coûté jusqu'à présent 6,6 milliards d'euros à la France, selon un rapport de la Cour des comptes rendu public jeudi. Sauvé de la faillite à l'automne 2008, le groupe Dexia a été durement frappé par la crise de la dette, ce qui a rendu nécessaire un second sauvetage en octobre 2011. Au total, le dossier a coûté à ce jour 6,6 milliards d'euros au contribuable français, dont 2,72 milliards pour l'État et le reste pour la Caisse des dépôts (CDC).
La Cour estime que le coût est "au moins équivalent" pour la Belgique, sans néanmoins se montrer plus précise car le champ de ses investigations se limite à la France. "Si vous ajoutez le coût pour la France, le coût pour la Belgique, vraisemblablement on ne doit pas être loin du sinistre du Crédit Lyonnais", estime le président de la Cour des comptes Didier Migaud au micro d'Europe 1.
Une facture plus élevée en cas de nouvelle recapitalisation. Pire, la facture pourrait encore grimper. La Cour des comptes souligne en effet "des risques persistants pour les finances publiques" en raison de fortes incertitudes, notamment sur la situation de la zone euro. Ces risques tiennent d'abord à l'extinction prévue de Dexia, dont le modèle reste très sensible à une augmentation des taux d'intérêt, et qui aura selon la Cour un horizon bien plus lointain que 2020. Ils tiennent également, selon elle, au financement des collectivités locales et notamment aux "emprunts toxiques", dont certains font l'objet de contentieux et qui sont susceptibles de provoquer des défauts de paiement. La Cour juge également "non négligeable" un risque de recapitalisation de la banque, qui augmenterait la note, sans toutefois avancer de montant.
Des objectifs risqués. L'institution de la rue Cambon éreinte également la gestion de cet établissement, notamment sa stratégie de croissance des années 2000, poursuivie malgré les premiers signes de la crise. Le rapport souligne ainsi la responsabilité de l'ancienne équipe dirigeante, qui a accentué les prises de risques dans les mois précédents la crise financière de 2008, le manque de vigilance du conseil d'administration et l'absence d'alerte des régulateurs, ainsi qu'une recherche tardive et incomplète des responsabilités.
Elle souligne notamment que le plan stratégique adopté début 2006 fixait un objectif de croissance de l'activité de 10% par an pour la période 2005-2015. "Une telle stratégie augmentait les risques avec le développement de nouvelles activités à l'étranger", indique la Cour, qui ajoute que cette stratégie "a même été accélérée entre mi-2007 et mi-2008 alors que les premiers signes de la crise à l'été 2007 auraient dû inciter à la prudence".
Des dirigeants visés. La Cour des comptes met personnellement en cause les dirigeants de l'époque (2007-2008) qui ont, selon elle, une lourde responsabilité dans ce naufrage et qui n'ont quasiment pas été sanctionnés. Dans sa ligne de mire : six cadres dirigeants de Dexia, à commencer par les deux principaux : le Français Pierre Richard, président du conseil d'administration et le Belge Axel Miller, directeur général. La seule sanction qui les a frappés est leur limogeage, mais avec le versement d'avantages très confortables comme une retraite de 563.000 euros par an pour Pierre Richard ou des indemnités de départ de plus de 800.000 euros pour Axel Miller.
Il y a bien eu, ensuite, une initiative pour remettre en cause le versement de ces sommes extravagantes, mais seulement trois ans plus tard. Parmi les six dirigeants visés, un seul, Pierre Richard, a finalement vu sa retraite réduite. "Cette recherche de responsabilité a été tardive et incomplète", déplore Didier Migaud au micro d'Europe 1. "Face à ce sinistre, nous sommes devant pratiquement aucun responsable et aucune sanction alors même que les dirigeants ont pu bénéficier d'un certain nombre d'avantages"
Un régime de sanction ? La Cour considère donc que, compte tenu de leur responsabilité et de l'ampleur du sinistre, tout doit être tenté pour que les dirigeants de l'époque soient plus sévèrement sanctionnés. "La Cour demande que toutes les voies de recours puissent être étudiées", poursuit Didier Migaud. Il souhaite également que soit "défini dans la loi un régime de sanction pénal et pécuniaire face à ce type de situation à savoir des risques inconsidérés pris et [qui] débouchent sur un engagement des contribuables."