• L'info. Pour certains de ses salariés, à commencer par ceux de Florange, Lakshmi Mittal est l'ennemi numéro un. Dans une interview qu'Europe1 s'est procurée, et destinée à être diffusée à l'intérieur du groupe ArcelorMittal, le dirigeant s'explique. Avec plus ou moins de bonne foi. Morceaux choisis.
• Mittal "respecte ses engagements". "Mittal n’a tenu aucun de ses engagements", accusait Arnaud Montebourg dans un entretien aux Échos, le 25 novembre. "Nous ne contrevenons absolument pas aux accords passés+++", rétorque le dirigeant dans cette interview. "En 2006 Mittal Steel a présenté un plan au gouvernement français. Il précisait que le dernier haut fourneau de Florange fermerait en 2010", détaille le dirigeant.
Et de poursuivre : "compte tenu de la bonne conjoncture économique et de la forte demande, ArcelorMittal a ensuite déclaré que la société continuerait à exploiter les hauts fourneaux au-delà de 2010. Toutefois, il a été clairement dit que cet engagement serait reconduit uniquement si les perspectives à moyen et long termes étaient favorables. Étant donné que la demande d’acier en Europe a chuté de plus d’un quart depuis 2008, les perspectives à moyen et long termes ne sont plus favorables."
>>> Fact checking : difficile de dire si Mittal est dans le vrai lorsqu'il assure avoir annoncé dès 2006 la fermeture possible de Florange. Dans un document cité par Médiapart évoquant cet accord avec le gouvernement, aucun engagement précis n'est formulé sur l'usine. Si l'on suit ce que Mittal avance dans ce document, il ne trahira vraiment ses engagements que s'il effectue un plan social, ce qui n'est pas à l'ordre du jour. Toutefois, Lakshmi Mittal oublie de préciser qu'il avait promis, en 2010, 300 millions d'euros d'investissement pour Florange à Nicolas Sarkozy. Les hauts fourneaux attendent toujours.
• "Pas d'offre de reprise". Lakshmi Mittal assure avoir "pris l’engagement vis-à-vis du gouvernement français d’accepter les offres d’achat des hauts fourneaux" Or, selon lui, "aucune offre n’a été reçue à ce jour". Alors que nous approchions de la date butoir de la vente possible des hauts fourneaux, il est devenu évident qu’aucun acheteur ne s’était présenté", insiste le dirigeant.
>>> Fact checking : le dirigeant s'est, au bout de plusieurs semaines de pression syndicale et gouvernementale, effectivement engagé à vendre la partie à chaud du site, celle menacée de fermeture. Or, selon Arnaud Montebourg, au moins un repreneur était intéressé, mais pour reprendre l'ensemble du site. Les affirmations du ministre du Redressement productif ont été corroborées récemment par plusieurs informations de presse.
• Nationalisation, "langage anti-commercial". Le dirigeant n'est pas tendre avec Arnaud Montebourg et son idée de nationalisation temporaire. "Le gouvernement a été confronté à des pressions considérables de la part des syndicats et a commencé à évoquer d’autres options, notamment la vente de l’intégralité du site, et même une nationalisation forcée", explique-t-il. Et d'enchaîner : "ce langage anti-commercial a attiré l’attention non seulement de la presse française, mais aussi de la presse internationale, qui ont commencé à s’interroger sur le message que cela envoyait aux entreprises internationales envisageant d’investir en France."
>>> Fact checking : il est faux de dire que la presse française ne s'intéresse à Florange seulement depuis que le projet de nationalisation est sur la table. Le débat au sujet de Florange dure depuis au moins deux ans, puisque déjà le président Sarkozy était monté au créneau sur le dossier. Toutefois, il est vrai de dire que la presse internationale s'est (un peu) plus focalisée sur le dossier depuis les sorties d'Arnaud Montebourg.
• Un accord sans Ulcos, ni mention du long terme… Lakshmi Mittal donne au passage sa version de l'accord avec le gouvernement. Il ne cite pas le projet Ulcos et ne s'engage à ne pas démanteler Florange que sur six ans : "nous sommes convenus avec le gouvernement de l’arrêt provisoire et du non-démantèlement des hauts fourneaux pendant six ans. Nous avons accepté d'investir 180 millions d'euros dans le site au cours des cinq prochaines années. Nous avons accepté de maintenir l’activité emballage à Florange pendant au moins cinq ans. Et nous avons accepté de ne pas mettre en place de plan social, et de chercher une solution pour les aspects sociaux de la fermeture sur une base individuelle et volontaire."
>>> Fact checking : d'après le gouvernement, Ulcos fait partie de l'accord et le non démantèlement n'est pas conditionné dans le temps. De plus, seuls 53 millions d'euros devraient être consacrés à de l'investissement "stratégique", c'est-à-dire au développement de l'activité de Florange. Les 127 millions restants, eux, serviront aux "flux d'investissements courants, maintenance exceptionnelle, investissements de pérennité, santé, sécurité..." Bref, des dépenses courantes, qu'il aurait fallu réaliser de toute façon.
Le petit mot pour les salariés. "Je comprends ce qu’ils ressentent, cette situation a été déconcertante pour tout le monde. Je vous suis extrêmement reconnaissant de votre engagement et votre travail tout au long de cette période", remercie le dirigeant. Et de conclure : "nous continuerons à produire des aciers de la plus haute qualité en France, et nous travaillerons pour montrer à nos parties prenantes en France que nous sommes une entreprise qui tient ses engagements."
>>> Fact checking : depuis 2006, à en croire le document relaté par Médiapart, Mittal promet effectivement de continuer à produire des aciers de haute qualité en France. À court terme, rien ne vient menacer ses engagements. Mais les syndicats sont inquiets. Partout en France, les investissements sont réduits. Les hauts fourneaux de Dunkerque et de Fos sont éteints ou rallumés selon les situations. Un des hauts fourneaux de Dunkerque, arrêté pour maintenance, ne devrait pas être rallumé. Selon un "connaisseur du dossier" cité par Médiapart, Mittal privilégie les sites hors d'Europe, notamment en Indonésie, maintenant qu'il a acquis le savoir-faire européen.