Le mot est encore tabou. Nicolas Sarkozy n'a pas prononcé une seule fois l'expression "TVA sociale" lors de ses voeux samedi dernier et la majorité lui préfère désormais le terme de "fiscalité anti-délocalisation". L'idée n'en refait pas moins surface à quatre mois de la présidentielle et devrait être au coeur du prochain sommet social dès le 18 janvier prochain. Europe1.fr décrypte le mécanisme de la TVA sociale.
Quel est le principe de la TVA sociale ? Concrètement, les cotisations sociales qui apparaissent sur la feuille de paie seraient réduites et pour obtenir l'équivalent de ce que ces cotisations rapportent, la TVA sur les produits de consommation serait augmentée. Une partie du financement de la Sécurité sociale reposerait ainsi non plus sur les entreprises et leurs salariés, comme c'est le cas aujourd'hui, mais sur les consommateurs.
Alléger le coût du travail
Le principal intérêt de la TVA sociale est d'alléger le coût du travail, puisqu'il y a moins de cotisations. Le second est de mettre à contribution les produits d'importation. Ainsi, aujourd'hui, quand on achète en France un tee-shirt fabriqué en Chine, l'entreprise ne participe pas au financement du système social français. Via cette TVA sociale, elle y participerait puisqu'on taxerait un peu plus le tee-shirt dans ce but.
Combien doit rapporter la TVA sociale ? En 2007, un rapport d'Eric Besson indiquait que l'augmentation d'un point de la TVA rapporterait 6,5 milliards d'euros. Cette hausse serait toutefois contrebalancée par la baisse des cotisations sociales.
Qui est favorable à la TVA sociale ? En 2007, alors qu'il était candidat, Nicolas Sarkozy s'était déjà prononcé en faveur de ce mécanisme dans son livre-programme Ensemble. A peine arrivé au pouvoir, le ministre de l'Economie de l'époque, Jean-Louis Borloo, avait ébruité l'idée, qui avait fait craindre aux électeurs une baisse de leur pouvoir d'achat. La majorité lui avait ensuite reproché le revers de l'UMP aux législatives.
"Une faute économique et sociale"
Le chef de l'Etat a donc ressorti le sujet de ses cartons à l'occasion de ses voeux aux Français samedi dernier. Depuis, tout le gouvernement est au garde à vous et espère pouvoir mettre en place la TVA sociale avant même la présidentielle.
A gauche, on s'insurge contre cette idée. Pour Pierre Moscovici, une hausse de la TVA "ne peut pas être sociale". Michel Sapin, le spécialiste de l'économie du PS, estime qu'une TVA sociale serait "une faute économique et sociale".
Seul Manuel Valls s'était déclaré favorable à une "TVA-protection", lors de la primaire socialiste pour la présidentielle. Martine Aubry et Arnaud Montebourg lui avaient aussitôt reproché d'adopter des idées de droite.
La TVA sociale a-t-elle déjà été testée ? En 1994, le ministre de l'Outre-mer de l'époque, Dominique Perben, avait instauré une TVA sociale pour la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion. La TVA locale avait ainsi été augmentée de deux points, passant de 7,5 à 9,5%, pour certains secteurs - comme la restauration, l'hôtellerie, l'industrie, l'agriculture, la pêche ou la presse. En contrepartie, ces secteurs bénéficiaient d'exonérations de charges sociales.
En 2000, l'Insee a dressé un bilan de l'initiative. Si la loi a bien permis d'alléger le coût du travail, tous les secteurs n'en ont pas profité également. Et après deux ans d'application, seulement deux tiers des entreprises qui auraient pu être exonérées de cotisations sociales l'étaient effectivement, note le rapport de l'Insee. Par ailleurs, les comptes publics n'ont pas vraiment bénéficié d'un effet TVA sociale puisque les dépenses liées aux exonérations de charges ont été supérieures aux recettes liées à l'augmentation de la TVA.
Et à l'étranger ? L'Allemagne a mis en place un système équivalent, avec plus de succès cette fois. En 2007, Berlin avait ainsi relevé son taux de TVA principal à 19% (contre 16% auparavant) et baissé d'un point les cotisations sociales. Toutefois, la majeure partie des recettes liées à l'augmentation de la TVA avait été affectées à la réduction du déficit budgétaire.