L’info. "C'est un accord majeur, c'est un accord décisif, c'est un accord de portée historique", s'est félicité Pierre Moscovici dans la nuit de mercredi à jeudi, après plus de 12 heures de négociations à Bruxelles. En effet, les ministres des Finances européens ont trouvé un accord sur l'union bancaire, mécanisme censé empêcher l’Europe de sombrer dans la crise à chaque fois qu’une banque implose. Car aujourd’hui, lorsqu’une banque tombe malade, l’Etat dont elle est originaire se retrouve aussi à l’hôpital. La réforme adoptée par l’UE vise justement à responsabiliser les financiers et à préserver les contribuables. Mais que se passera-t-il désormais lorsqu’un établissement bancaire fera faillite ?
>> Europe1.fr a posé la question à Laurence Scialom, économiste à l'université Paris-X et auteur de l’ouvrage Economie bancaire, ainsi qu’à Jean-Paul Pollin, membre du Cercle des économistes et professeur à l'université d'Orléans.
Le "conseil de résolution" chargé d’établir le diagnostic. Si une banque vacille, la première étape sera le passage devant le "conseil de résolution", placé sous l’autorité de la Banque centrale européenne. Ce dernier décidera alors s’il faut laisser l’établissement faire faillite, ou entamer son sauvetage. Cette décision pourra être contestée par un Etat ou par la Commission européenne. Mais ils n’auront que 24 heures pour le faire, l’objectif étant de trouver une solution "en un week-end parce que les fuites de dépôts peuvent être très rapides. Il faut avoir décidé entre le vendredi, lorsque vous fermez la banque, et sa réouverture le lundi, comme c’est le cas aux Etats-Unis", décrypte Laurence Scialom.
Deux options : le sauvetage ou la liquidation. Les Européens peuvent décider de laisser couler une banque mais Laurence Scialom le souligne d’emblée : "dans le cadre bancaire, on ne peut pas fermer un établissement du jour au lendemain. La résolution bancaire sert justement à éviter qu’on ne ferme et liquide une banque". L’objectif est plutôt "d’avoir des outils juridiques et de financement pour permettre de se donner du temps pour résoudre une crise en minimisant les pertes finales", poursuit-elle.
Point de fermeture donc, "on procédera plutôt à un démantèlement, à un rachat par une autre banque ou on l’obligera à se séparer d’une partie de ses activités", détaille Laurence Scialom. Autre possibilité, créer une banque de défaisance pour séparer les "actifs pourris" du reste de la banque et lui permettre de rebondir. Et si la banque ne fait que traverser une mauvaise passe, on privilégiera la recapitalisation. Dans tous les cas, il y aura de la perte de valeurs. Reste à savoir qui l’assumera.
Qui paiera ? Que la banque soit sauvée ou fasse faillite, les premiers à régler la facture seront les actionnaires de la banque, puis les créanciers privés, c’est-à-dire les investisseurs qui lui ont prêté de l’argent. Pour compléter, on puisera dans le fonds de résolution, doté in fine de 55 milliards d’euros et alimenté chaque année par les banques elles-mêmes à hauteur de 0,1% de leurs dépôts. Mais comme cette enveloppe sera limitée et garnie progressivement entre 2015 et 2025, il y a fort à parier qu’il faudra trouver encore de l’argent. "Jusque là, les Etats resteront en première ligne pour sauver leurs propres banques", précise Laurence Scialom, même si leur contribution sera réduite par rapport à la précédente crise. En attendant 2025, "un Etat pourra faire appel au Mecanisme européen de stabilité, comme ce fut le cas de l’Espagne en 2012" pour emprunter de l’argent et l’allouer à la banque en question, rappelle Jean-Paul Pollin.
L’affirmation du commissaire européen Michel Barnier, selon laquelle "les banques paieront pour les banques, plutôt que les contribuables", est donc un brin présomptueuse. D’autant qu’il reste un détail à régler, et pas des moindres : les Européens n’ont pas encore décidé si les déposants paieront une partie de la note. L’hypothèse étant de ponctionner les clients ayant plus de 100.000 euros de dépôt dans la banque malmenée, comme ce fut le cas à Chypre.
Bilan : la zone euro a-t-elle trouvé son pompier ? Les Européens ont fait un pas dans la même direction mais parler de pas de géant est un peu présomptueux. "C’est une avancé mais l’union bancaire ne peut être qu’une étape, elle est loin d’être assez robuste", conclut Jean-Paul Pollin. Et ce dernier de souligner qu’il faut également "réformer leur structure en procédant à une séparation des activités bancaires", faute de quoi tout cela n’aura été "qu’une usine à gaz". "On a fait une avancée majeure, même s’il va falloir revenir sur ce dossier. On a reporté la mutualisation des pertes au niveau européen à un horizon lointain, dans dix ans", abonde Laurence Scialom. Et cette dernière de conclure : "il faudrait que les Etats puissent agir préventivement de manière à empêcher les banques de prendre trop de risques, par exemple sur les produits dérivés".