De la déception et de la colère. Tels sont les sentiments qu'ont exprimé les militants anti-nucléaires à l’annonce de l'avis rendu lundi par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui a estimé que le réacteur N°1 de la centrale de Fessenheim pouvait être exploité encore 10 ans, sous réserve de travaux.
"C’est quoi cette histoire ?"
"C'est incohérent. Elle est sûre ou elle n'est pas sûre cette centrale? C'est quoi cette histoire?" s'est emporté Jean-Marie Brom, physicien au CNRS et porte-parole du réseau "Sortir du nucléaire". "Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on nous dit que des travaux sont nécessaires, mais en attendant la centrale a quand le même droit de continuer pendant deux ans".
Jean-Marie Brom estime que l'avis de l'ASN doit être analysé de manière "politique": "ce qui se profile, c'est la fermeture de Fessenheim au prétexte que les travaux seraient trop coûteux à mettre en oeuvre. Fessenheim pourra alors être donnée en pâture à l'opinion pour mieux maintenir le reste du parc nucléaire", affirme-t-il.
"Une insulte à nos voisins européens", pour Lepage
De son côté, l'avocate Corinne Lepage, qui mène le combat judiciaire pour la fermeture de Fessenheim au nom de l'Association trinationale de protection nucléaire (ATPN), a fustigé une "politique de gribouille". "C'est du grand n'importe quoi, et de plus c'est une insulte à tous nos voisins européens", a dit l'ancienne ministre de l'Environnement et actuelle eurodéputée centriste.
"L’arrogance nucléaire française"
Les griefs sont les mêmes chez les écologistes. "Les autorités continuent à rester aveugles au risque que fait courir Fessenheim à la population", a réagi Cécile Duflot, la secrétaire nationale d’EELV. "Cette obstination est d'autant plus surprenante que les voisins Suisses et Allemands ont pris la mesure du risque nucléaire" a-t-elle ajouté.
Eva Joly, candidate à la primaire d'EELV, et Yannick Jadot, eurodéputé EELV, ont pour leur part fustigé dans un communiqué "l’arrogance nucléaire française". "En utilisant ses propres critères, l'ASN préfère choisir le moins-disant sécuritaire", regrettent-ils.
Le gouvernement reste prudent
Du côté du gouvernement, on tente en revanche de minimiser la portée de l’avis de l’ASN. "Ce rapport est une étape nécessaire (...), mais en l'occurrence, sur Fessenheim, ce serait une mésinterprétation que d'en conclure que 'ça y est, le gouvernement a décidé de prolonger pour dix ans'. Ce n'est pas le cas", a déclaré Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre de l'Ecologie.