Va-t-on manger plus d’OGM sans le savoir ?

Que va-t-il se passer désormais que les Etats ont le choix d'interdire ou non la culture de plants OGM.
Que va-t-il se passer désormais que les Etats ont le choix d'interdire ou non la culture de plants OGM. © MAXPPP
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Damien Brunon
LA QUESTION - L’Europe a décidé de laisser les Etats choisir eux-mêmes s’ils veulent ou non autoriser la culture de plants génétiquement modifiés.

L’INFO. En une décision, l’Europe a-t-elle fait rentrer le loup dans la bergerie ? La question est posée alors que les Etats membres de l’Union vont pouvoir désormais décider eux-mêmes s’ils autorisent ou non la culture de plants OGM sur leur territoire. Si d’un côté, cette décision valide la position de la France sur le dossier, elle n’empêchera pas nos voisins d’en cultiver, puis de nous les vendre.

Pourquoi cette décision ? Jusqu'à présent, les Etats devaient réunir une majorité qualifiée pour interdire la culture, ce qu'ils ne sont jamais parvenus à faire. La décision revenait alors à la Commission européenne qui imposait la culture à tous les Etats, y compris aux réfractaires, contraints de prendre unilatéralement des mesures de sauvegarde, systématiquement attaquées en justice.

La décision de donner le pouvoir aux Etats membres est donc devenue inéluctable. Depuis 2008, le texte de la Commission patientait d’ailleurs dans les tiroirs de Bruxelles. Il n’avait jamais été avalisé par manque de consensus. Problème : la Cour de Justice Européenne a fini par condamner la Commission puisque la blocage empêchait la mise sur le marché des plants autorisés par l’autorité européenne pour la sécurité des aliments (EFSA). Bruxelles avait donc prévenu qu’elle ne pourrait pas tenir sa position trop longtemps. Elle a attendu la fin des élections européennes pour faire passer le texte.

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Quel effet la décision va-t-elle avoir ? La fin du blocage va avoir comme effet direct la très rapide mise en circulation en Europe de sept plants d’OGM qui sont en attente d'une autorisation de culture dans l'UE, dont le maïs MON810 de Monsanto. Le maïs TC1507 du groupe Pioneer, qui patientait depuis février dernier, a d’ailleurs reçu son autorisation quelques heures après l’annonce de la décision de Bruxelles.

Qui produit des OGM en Europe ? A l’heure actuelle, la grand champion des OGM en Europe est un voisin direct. En Espagne, ce sont en effet 116.306 hectares de MON810, seul plant autorisé sur le continent, qui sont cultivés selon les données du site spécialisé Inf’OGM. Loin derrière, on retrouve le Portugal (9.278 hectares) et la République Tchèque (3.050 hectares). Dans une moindre mesure, la Slovaquie et la Roumanie sont également concernés.

Ces OGM vont-ils arriver chez nous ? C’est la question qui inquiète les principaux opposants aux plants modifiés. Comme le rappelle Inf’OGM, sans même être tous autorisés à la culture sur le continent, 51 OGM sont déjà présents par le simple biais des exportations. Difficile donc d’imaginer qu’à l’intérieur même du marché commun très intégré que constitue l’Europe, les plants génétiquement modifiés de nos voisins ne viennent pas chez nous d’une façon ou d’une autre.

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Ces OGM pourraient d’ailleurs venir sur notre territoire sans qu’on ne les y aide. Par simple pollinisation naturelle, certains organismes modifiés pourraient en effet prendre goût au voyage et pousser en France. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le représentant belge Olivier Belle s’est abstenu sur le compromis trouvé jeudi à Bruxelles, craignant le même sort pour son pays. “Accepter la possibilité d’interdire des OGM sur des bases aussi fragiles serait un véritable marché de dupe et la porte ouverte à la contamination de l’agriculture européenne”, a de son côté réagi Corinne Lepage, ex-député européenne et spécialiste de la question.

Et quid des lobbies ? Le loup dans la bergerie, la formule est encore d’actualité. Alors que jusque-là, les défenseurs des semenciers OGM devaient se battre à Bruxelles pour obtenir un consensus des Etats, ils vont pouvoir désormais travailler avec chaque pays individuellement pour les convaincre d’autoriser leurs produits.

Pire, grâce à la décision de Bruxelles, ils vont pouvoir désormais directement attaquer en justice les interdictions nationales qui ne seraient pas assez bien motivées. Or, en France, le débat n’est pas encore clairement tranché quant à savoir si le principe de précaution peut suffire pour empêcher la culture d’un plan génétiquement modifié.

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