Ils ne lui ont laissé aucune chance. Et pourtant. Yves Manunta, un ancien nationaliste corse aujourd'hui à la tête d'une société de sécurité, est parvenu à se sortir indemne d'une tentative d'assassinat perpétrée contre lui le 8 novembre dernier à Ajaccio, en Corse. Sa femme et sa fille de dix ans ont en revanche été grièvement blessées dans cette attaque perpétrée par deux frères, Dominique et Marc Pantalacci.
Les faits remontent au 8 novembre. Il est environ 18h30 lorsque le véhicule d'Yves Manunta pénètre sur le parking de sa propriété. Dans la voiture, sa femme et sa fille de dix ans. A peine le moteur coupé, un bruit retenti. Le chef d'entreprise entend "un choc".
"J’ai pensé que j’avais percuté le mur, en fait c’était une détonation", raconte Yves Manunta sur Europe 1."Ma femme a crié. Je me suis retourné vers la gauche et j’ai vu un homme avec un fusille à l’épaule, probablement un fusil à pompe. Il était suivi d’une autre personne", poursuit-il.
"Ils se sont acharnés sur ma femme et ma fille" :
"Ils ont tiré sur mon bébé de dix ans"par Europe1frEnsuite, les faits s'enchaînent très vite. Yves Manunta tente alors de "s'extraire" de la voiture. "J’ai compris que si je restais à l’intérieur, on allait tous se faire tuer. J’ai voulu épargner ma fille et ma femme. Je pensais qu’ils avaient tiré sur moi un peu n’importe comment mais que tout le monde avait eu de la chance. En fait, le premier tireur a avancé vers nous avec un fusil à pompes de calibre 12. Le second s’est positionné sur le côté et a tiré volontairement sur ma fille", se souvient l'ancien nationaliste.
Yves Manunta parvient à enjamber sa femme et à sortir du côté passager. "Je ne mets jamais de ceinture de sécurité. C’est ce qui m’a sauvé la vie", insiste-t-il. Mais, les tireurs s'acharnent malgré tout sur la voiture.
Une cinquantaine d'impacts de balles
"On a retrouvé des balles à l’arrière du véhicule avec des touffes de cheveux de ma fille et de ma femme. Ma fille a eu deux balles de kalachnikov dans le bras, en se protégeant la tête. C’est dire si les tirs sont passés à quelques centimètres voire millimètres. Elle a pris une chevrotine à l’épaule, au flanc, un éclat de kalachnikov à la jambe et des éclats de taule dans la jambe, côté gauche", explique le père de l'enfant aujourd'hui hors de danger.
Quant à sa femme, elle s'en sort avec "deux balles de kalachnikov dans le haut des cuisses" et une autre dans le ventre "que l’on a pas pu extraire". Et, en voulant protéger sa fille, elle reçoit une nouvelle balle, dans le bras, cette fois.
Au total, plus d'une cinquantaine d'impacts ont été relevés sur les lieux par les enquêteurs.
Des tireurs connus de la famille
Aujourd'hui, les frères jumeaux sont mis en examen pour tentative d'assassinat. Ces deux hommes, âgés d'une vingtaine d'années, ont été identifiés par la fille d'Yves Manunta. Car les tireurs étaient bien connus des victimes. " Nous connaissons très bien les personnes inculpées dans cette affaire. Ils sont venus plusieurs fois à la maison. Ce sont des amis de mon fils", reconnaît Yves Manunta en soulignant qu'il s'agit des "fils d’un "ex-ami"".
Quelles étaient alors leurs motivations ? "Une cabale mise en place dans les années 2000" explique tout simplement l'ancien nationaliste. A cette époque, un conflit éclate entre Yves Manunta et un ex-associé de sa société de sécurité.
"A partir de là, des cols blancs, des personnes qui ont pignon sur rue, des policiers des renseignements généraux, des tueurs visiblement ont pris cause" pour lui, insiste-t-il.
Cette affaire a créé "une véritable fracture au niveau de la société ajaccienne. Je me suis retrouvé avec une armée contre moi, avec des gens à qui je n’avais rien fait, qui se sont positionnés contre moi", ajoute-t-il.
Un combat politique noyé dans la violence
Yves Manunta estime que "le combat politique" corse est désormais "noyé dans cette dérive" des règlements de comptes et de la violence.
"Je ne renie pas mon passé. Il y a avait un combat fratricide sur l’île auquel j’ai été mêlé. Je les ai vus mais à aucun moment je ne les ai dénoncés. Je n’ai jamais porté plainte", rappelle-t-il en évoquant une tentative d'assassinat à laquelle il avait miraculeusement échappé en 1996. "J’estime que quand on se promène armé et que l’on est mêlé à des affaires très très graves, on ne va pas pleurer chez les flics quand on se fait tirer dessus. A un moment donné, il faut savoir ce que l’on veut dans la vie", martèle-t-il.
Mais la donne a changé. Yves Manunta n'entend pas en rester là cette fois. "J’ai vu des gens qui ont tiré sur moi et sur mon bébé de 10 ans, sur ma femme", affirme-t-il. "Il est hors de question que je fasse la partie belle à ces gens là en disant que je n’ai rien vu. Je suis prêt à les dénoncer dans le moindre remord ou scrupule", conclut-il.