L'INFO. De l'industrie pharmaceutique à l'agroalimentaire, les chevaux passaient de l'état de cobayes à celui de victuailles. Une vaste opération de gendarmerie a été déclenchée lundi matin dans 11 départements français dans le cadre d'une enquête contre un trafic de viande de cheval et de viande en gros. Les investigations menées par la section de recherches (SR) de Languedoc-Roussillon sous la conduite d'un juge de Marseille visent la commercialisation de viande de chevaux qui auraient auparavant servi à la recherche d'entreprises pharmaceutiques ou de laboratoires, ainsi que de chevaux de centres équestres qui se sont également retrouvés dans l'assiette du consommateur, a indiqué une source proche de l'enquête.
>> Mise à jour, 11h45 : selon une source proche de l'enquête, ce sont précisément 21 personnes qui ont été arrêtées.
• Plusieurs centaines de chevaux concernés. L'affaire porte sur plusieurs centaines de chevaux qui auraient participé à des programmes scientifiques entre 2010 et 2012. Les bêtes étaient utilisées notamment par l'entreprise pharmaceutique Sanofi, sur son site d'Alba-la-Romaine, dans l'Ardèche, avant de se retrouver dans la chaîne alimentaire, après falsification ou escamotage de leurs documents vétérinaires. C'est une dénonciation anonyme adressée fin 2012 à la direction audoise de la protection des populations qui a déclenché l'enquête, aujourd'hui menée dans le cadre d'une information judiciaire dirigée par un juge d'instruction du pôle santé du tribunal de Marseille.
• Une vingtaine d'interpellations prévues. Lundi matin, une centaine de gendarmes agissant dans le sud de la France, en Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Midi-Pyrénées, ont entrepris d'interpeller une vingtaine de personnes, a-t-on appris de source proche de l'enquête. Les gendarmes ont ainsi arrêté un homme à Narbonne, dans l'Aude, apparemment à son domicile, avant de l'emmener sur le site des abattoirs de la ville où pourraient se trouver les bureaux de sa société. C'est précisément un négociant de Narbonne qui est soupçonné d'être l'organisateur du trafic, selon une source proche de l'enquête. Ces interpellations devaient s'accompagner de perquisitions au siège de négociants en viande et, dans une moindre mesure, dans des abattoirs, avec la participation de la Brigade nationale des enquêtes vétérinaires et phytosanitaires. Des recherches ont également été diligentées dans des locaux de Sanofi ainsi que dans un abattoir de Gérone, dans l'Espagne, de l'autre côté de la frontière, a indiqué l'une des sources.
• Des documents falsifiés. Au terme de leur utilisation par les laboratoires, les carcasses de chevaux auraient dû normalement être incinérées. Problème : le coût de cette opération est élevé. Selon nos informations, le laboratoire vendait les animaux pour une dizaine d'euros à un commerçant. Ce dernier faisait ensuite une très belle opération en revendant lui-même la bête à un abattoir à un prix compris entre 500 et 800 euros. Pour cela, les documents permettant la traçabilité des chevaux étaient falsifiés : un faussaire implanté dans les Alpes de Haute-Provence aurait ainsi permis d'établir de nombreux faux documents. Trois vétérinaires complices originaires du Gard, de la Drôme et du Cantal sont quant à eux soupçonnés d'avoir contribué au "blanchiment" des chevaux. Selon les premiers éléments, toutes ces opérations auraient été réalisées à l'insu de Sanofi. Pour l'heure, l'entreprise refuse cependant de se prononcer sur la dangerosité de la consommation de viande de cheval provenant de leurs laboratoires.
• Une enquête et deux filières. Tous ces éléments constituent les derniers développement d'une large enquête portant sur des vols de chevaux et des trafics dans les centres équestres : des chevaux de selle qui se retrouvent dans nos assiettes, chose complètement interdite. Le parquet de Marseille enquête sur 3.000 cas dans toute la France. "On avait le cheval du particulier en centre équestre par exemple, qui devait finir sa vie paisiblement dans un pré et qui la termine à l'abattoir alors qu'il a reçu des traitements médicamenteux le rendant impropre à la consommation", dit une source proche des investigations, "et puis on avait le cheval de laboratoire, avec deux cas de figure. Soit il servait à des prises de sang pour la fabrication de vaccins, soit il était cobaye dans la recherche". "Cela ne veut pas dire qu'il y ait eu un risque pour le consommateur, mais de toute façon, ces chevaux n'auraient jamais dû se retrouver dans l'assiette du consommateur", a-t-elle précisé.