Les enquêteurs cherchaient cette officine depuis plusieurs années sans y parvenir. La plus grande fabrique de France de faux billets a été finalement démantelée mardi et mercredi, en Seine-et-Marne. C'est l'office spécialisé de la police judiciaire française qui a remonté ce vaste réseau de trafic de faux billets.
Au total, "plus de 9 millions d'euros en 350.000 faux billets de 20 et de 50 euros", sont sortis de cet atelier dissimulé dans le site industriel d'un petit village situé entre Meaux et Chelles. Cette officine était ainsi jusqu'alors, en termes de volume et de qualité, "la première de France et la deuxième d'Europe", selon les mêmes sources.
Du matériel professionnel utilisé
Le démantèlement de cette officine intervient après que "plusieurs dizaines de personnes" ont été interpellées au cours des mois précédents, dont le contrefacteur. L'enquête a débuté bien plus tôt, en 2007, quand l'Office central pour la répression du faux monnayage (OCRFM) et la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Paris ont été alertés sur une affaire de contrefaçons, référencées au niveau européen.
Des fausses coupures de 20 et 50 euros "de bonne facture" avaient été réalisées à partir d'une chaîne graphique numérique. Selon la commissaire Corinne Bertoux, il était très difficile de voir qu'il s'agissait de faux billets. "Concernant cette officine, elle est vraiment d'importance, parce que le faussaire avait une formation d'imprimeur. De ce fait, il utilisait un matériel très pointu, un matériel en typographie, des massicots industriels, pour que sa production soit facilement émise dans les magasins", commente-t-elle au micro d'Europe 1. Les faux billets étaient émis "à 90% sur le territoire français, le reste dans les zones frontalières des pays riverains".
Des membres de la communauté du voyage se chargeaient de distribuer ces fausses coupures. Au fil du temps, "plusieurs dizaines de personnes de cette communauté qui constituaient le réseau d'écoulement ont été interpellées" en région parisienne et dans des zones de moyennes agglomérations en province. Mais "la difficulté de remonter les filières dans ces milieux-là" a fait que le contrefacteur lui-même n'a été interpellé que depuis "peu de temps", a-t-on ajouté. Ce dernier est un homme âgé d'une cinquantaine d'années et déjà connu des services de police. "Il a en effet été condamné pour fausse monnaie", selon les sources policières.
Un lieu difficile d'accès
Une fois le contrefacteur interpellé, restait à mettre la main sur l'officine où étaient produits les faux billets. Le lieu est en effet resté longtemps introuvable par les enquêteurs. Différents recoupements et croisements d'informations ont toutefois permis de "cerner l'adresse". En l'occurrence un "site industriel difficile d'accès", avec plusieurs bâtiments dont l'intérieur ne correspondait pas toujours à l'aspect extérieur. Il a d'ailleurs fallu, outre les explications du contrefacteur, "faire intervenir un géomètre" pour découvrir enfin, derrière une double cloison et sous une dalle de béton, l'installation elle-même.
Tout le matériel a pu être saisi. "Nous avons toute la chaîne graphique", souligne-t-on de sources policières. Selon ces derniers, cette affaire est "exceptionnelle" dans la mesure où, habituellement, "nous avons soit les billets, soit les faussaires, mais plus rarement le local et le matériel". Toujours selon les enquêteurs, "c'est la première fois" qu'une installation d'une telle ampleur est découverte en France.
Entre 30 et 40 officines sont démantelées chaque année en France, l'un des Etats de l'Union européenne les plus touchés par le faux monnayage. La principale contrefaçon de billets en euros de l'Union européenne est d'origine italienne, mais la Bulgarie, la Lituanie et la Pologne en produisent également.