"Les Français sont en train d’imploser". Dans un ouvrage à paraître jeudi, Jean-Paul Delevoyen, président du Conseil économique, social et environnemental, tire la sonnette d’alarme sur la précarité en France. Selon l’ancien médiateur de la République, entre 12 et 15 millions de personnes ont du mal à joindre les deux bouts en fin de mois en France.
Dans son dernier rapport, en tant que médiateur de la République, publié en mars 2011, Jean-Paul Delevoye, issu de la majorité, dépeignait déjà une société française souffrant de "burn-out", c'est-à-dire d'épuisement psychique. Depuis, sa vision n’est pas plus optimiste.
12 à 15 millions de Français en difficulté.
"Il y a aujourd'hui 12 à 15 millions de personnes pour qui les fins de mois se jouent à 50 ou 150 euros près", rapporte-t-il. Les chiffres officiels de l’INSEE font quant à eux état de 8,2 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, soit moins de 954 euros par mois, en 2009 et 7,8 millions en 2008.
Pour justifier cet écart entre les chiffres officiels et ceux qu’il avance, Jean-Paul Delevoyen précise ses méthodes de calcul. "Nous avons procédé à des rapprochements avec le nombre de personnes traitées par les commissions de surendettement, les découverts bancaires, les retenues sur salaires, les crédits revolving, etc.", explique-t-il.
"On ne sait plus résister à ses envies"
Parmi les raisons de cette précarité, le président du CESE avance "les ruptures de vie de plus en plus fréquentes" (divorce, maladie, licenciement, perte de son logement...). Il évoque également des habitudes dispendieuses de consommation, dans la téléphonie mobile notamment, au détriment de "dépenses essentielles" dans certaines familles. "On ne sait plus résister à ses envies", résume-t-il.
Pour Jean-Paul Delevoye, "les Français sont en train d'imploser, à cause d'une pression trop forte et d'un mal-vivre ensemble de tous les jours". "Avant, on était fatigué physiquement, maintenant, on est fatigué psychiquement", explique-t-il.
Les politiques interpellés
"Le sentiment d'isolement, d'impuissance, d'injustice, peut déboucher, comme en 2005 dans nos banlieues, sur des expressions de violence terribles, presque incontrôlables", avertit le président du CESE.
Selon l’expert, il est urgent que les politiques s’emparent de la question de la précarité en France. "Si les politiques ne prennent pas la mesure de la désespérance, le risque est le repli sur soi, la perte des valeurs républicaines et le vote en faveur des extrêmes et en particulier du Front national", prédit Jean-Paul Delevoye.