C'est l'amende maximale qui a été requise contre Grande Paroisse. A l'issue d'un réquisitoire-fleuve de neuf heures, les avocats généraux ont demandé que le propriétaire de l'usine Grande Paroisse (groupe Total), paie une amende de 225.000 euros dans le procès en appel de l'explosion du site AZF. L'avocat général a en effet estimé que l'amende contre la société devait avoir une "connotation symbolique forte".
Il a en revanche réduit leurs réquisitions contre Serge Biechlin, l'ancien directeur de l'usine, à 18 mois de prison avec sursis et 15.000 euros d'amende. En première instance, trois ans de prison avec sursis et 45.000 euros d'amende avaient été requis contre lui. L'avocat général Lionel Chassin a estimé que la justice ne pouvait prononcer contre lui "le maximum de la peine, car en poste depuis trois ans, il n'avait pu tout réformer mais avait toujours inscrit la sécurité comme élément important de la bonne marche de l'entreprise".
Une explosion causée par des négligences ?
L'explosion du site AZF le 21 septembre 2001 avait fait 31 mort à Toulouse. L'accusation, appuyée par les expertises judiciaires, estime que des négligences ont permis la rencontre de deux produits incompatibles, du DCCNa (chlore pour piscine) apporté par erreur dans une benne sur le tas de nitrate d'ammonium (engrais ou explosif minier) stocké dans le hangar 221.
En première instance, le tribunal avait "validé la thèse de l'accusation et des experts comme probable", mais avait relaxé les prévenus car la benne n'ayant pas été retrouvée, il avait estimé qu'il n'avait pas "établi le lien de causalité certain entre les fautes et le dommage" - nécessaire à une condamnation -, a rappelé Pierre Bernard, sévère pour les négligences de l'industriel du groupe Total.
Etablir une "causalité par défaut"
Mais pour l'avocat général, le droit permet de "s'appuyer sur un faisceau d'indices" et d'établir une "causalité par défaut". Et dans le cas d'AZF, la liste d'indices était longue, a estimé Pierre Bernard. Selon lui, le non-respect de la règlementation Seveso 2 imposée à cette usine, et "les négligences", avaient "un lien absolument certain avec l'aggravation" du sinistre, ce qui selon lui "suffit à entraîner une condamnation". En cause, selon les avocat généraux, des "fautes dans le traitement des déchets" et l'absence de "consignes précises écrites" aux sous-traitants.
La règlementation limitait à 500 tonnes la quantité de nitrate déclassé stockable dans le hangar 221 en raison des risques d'explosion et d'incendie, mais, chez AZF, des règles "il n'y en avait pas beaucoup" au 221, "l'évaluation se faisait une fois par mois", au lieu d'une fois par jour dans le reste de l'usine, a estimé Pierre Bernard. Il a aussi souligné que l'apport de déchets au hangar 221 comme celui survenu avec la benne suspecte 20 minutes avant l'explosion était "une anomalie manifeste".
La piste chimique "impossible" pour la défense
Le second avocat général devrait ensuite expliquer pourquoi "écarter la piste intentionnelle". De son côté, la défense, Me Daniel Soulez Larivière en tête, ne cesse de répéter, avec l'appui de nombreux témoins-experts, que la piste chimique est "impossible". L'ex-directeur de l'usine a quant à lui estimé que la piste d'un acte volontaire est "probable à 99,99%". La défense, qui a plusieurs fois mis en cause l'impartialité de la cour et a fait planer la menace d'un recours en cassation, devrait plaider la relaxe pendant trois jours la semaine prochaine.