"Georges Tron étant encore maire, les agents ont peur". Marion*, une employée de la mairie de Draveil, dans l'Essonne, a décidé de témoigner au micro d’Europe 1, alors que deux juges d’instruction d’Evry ont convoqué jeudi pour une confrontation Georges Tron, le maire de Draveil, et deux anciennes collaboratrices qui l'accusent de viols et d’agressions sexuelles. Marion dénonce de son côté ce qu’elle appelle "le système Tron".
"Je pointe juste du doigt des choses qui me semblent incohérentes" :
Marion décrit "une méthode simple" à la mairie de Draveil, qui consistait selon elle dans un premier temps à conditionner tous les témoins qui devaient être auditionnés par la police judiciaire de Versailles, en charge de l'enquête.
"Dès qu’un proche de Georges Tron était appelé par la police judiciaire, on avait un policier - qui faisait partie de l’association des amis de Georges Tron - qui 'passait à la moulinette' - pour reprendre l’expression usitée en mairie - ces fameux témoins pour leur poser toutes les questions possibles et imaginables. Lui, se mettait à la place des officiers de la police judiciaire de Versailles en subodorant toutes les questions et en préparant ces gens pour élaborer un vrai système de défense, pour que la PJ de Versailles n’arrive pas à tirer quoi que ce soit de ces personnes", assure la jeune femme.
Un "système Tron" à double détente
Parmi les personnes qui sont ainsi "passées à la moulinette", figurerait Brigitte Gruel, adjointe au maire, croit savoir Marion. Le policier, ami de Georges Tron, "s’en est vanté lui-même lors d’un repas le soir de la garde à vue de Georges Tron et de Brigitte Gruel, le 20 juin 2011 de mémoire. Nous étions plusieurs agents municipaux réunis chez une très très proche de Georges Tron lorsque ce policier est arrivé en disant : 'de toute façon, Brigitte Gruel ne dira rien, puisque je lui ai posé toutes les questions, je l’ai suffisamment briefée, elle ne dira rien'", raconte l'employée de mairie.
Pour Marion, le deuxième niveau du "système Tron" qu'elle décrit consiste à écarter ceux qui ont témoigné en défaveur du maire. Elle raconte par exemple avoir assisté à une scène qui l'a beaucoup choquée. "Un témoin venait de déposer au SRPJ et Georges Tron a eu son audition quelques semaines après. Il est sorti du bureau en disant : 'c’est la pire des salopes, elle est pire que les plaignantes !'. Après, il a traîné dans la boue cette personne en nous interdisant de lui parler", décrit-elle. Après cet épisode, elle a avoué que forcément "chaque agent se dit : 'cela va beaucoup trop loin. Moi, je ne veux pas être traité comme cela, donc je me tais'. C’est vrai que beaucoup ont tendance à faire cela".
"Il y a des pressions"
Marion a pourtant mis du temps à prendre ses distances. "J’avoue que je n’ai pas percuté. Je ne connaissais pas du tout Georges Tron, je ne suis pas draveilloise. Donc, c’est vrai que mon premier réflexe a été de défendre mon patron", précise-t-elle. Mais Marion a depuis revu son jugement. "On se dit : 'pourquoi briefer les gens, alors qu’on est censé ne rien avoir à se reprocher ?'. C’est vrai que ça m’a interpellée, mais j’ai fait le job parce qu’il fallait le faire", assure l'employée.
Depuis le début de l'affaire, Marion explique finalement qu'elle a "vu trop de choses en mairie pour savoir que tout est beau et que Georges Tron n’a rien fait et qu’on fait tous partie d’un complot". Elle n'est pas dupe : "tout le 'système Tron' de l’intérieur fait que ce n’est absolument pas crédible, c’est un système très compliqué". Selon elle, "Georges Tron étant encore maire, les agents ont peur : ils ne font pas ce qu’ils veulent, ils ne disent pas forcément la vérité, parce derrière il y a des pressions et la peur de perdre quelque chose".
Et Marion de s'interroger : "pourquoi essayer de subordonner les témoins ? pourquoi menacer les agents ? pourquoi faire des pressions sur les personnes qui témoignent quand on est innocent ?". "Quand on est innocent, on attend sereinement la justice et a priori ce n’est pas forcément le cas", estime la jeune femme.
*Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressée