Comme souvent, la revue médicale Prescrirebouscule les idées reçues. Après s’être attaquée aux médicaments inutiles voire dangereux, cette publication spécialisée se penche dans son édition de lundi sur un autre dossier : la kinésithérapie respiratoire. Bilan : cette pratique, souvent prescrite en cas de bronchiolite chez les nourrissons, est quasi inutile. Elle n’apporte qu’un peu de confort mais peut dans certains cas occasionner des complications.
• La méthode. La revue a fait une synthèse des neuf études réalisée par un groupe du Réseau international Cochrane (d'évaluation et d'information médicales). Ces études ont été réalisées sur 891 nourrissons hospitalisés pour des bronchiolites. La technique préconisée en France a, elle, été évaluée dans 4 des 9 études, soit chez 645 nourrissons au total.
• La bronchiolite, petit rappel. Cette infection des petites bronches est due à des virus très fréquents et très contagieux, mais aux conséquences souvent bénignes. Une bronchiolite débute généralement par un simple rhume et une toux, qui peut s'accompagner de sifflements, et touche chaque hiver 30% des enfants de moins de deux ans. Ses effets peuvent en revanche avoir des conséquences graves pour les nouveaux né les plus fragiles.
• La "kiné" respiratoire, c’est quoi ? Un massage de certaines zones stratégiques de la cage thoracique afin de provoquer des toux mucositées. En clair, en travaillant certaines parties du corps, le kiné provoque un dégagement des bronches et facilite la respiration.
• Une pratique très répandue en France, mais... Lorsqu’une bronchiolite est diagnostiquée chez un enfant, la "kiné" respiratoire est très largement prescrite en France et dans plusieurs pays européens francophones. Mais ce n’est pas le cas dans les pays anglo-saxons, ce qui a poussé des chercheurs à s’interroger sur l’efficacité de ce traitement.
• …des effets très limités. En comparant les résultats de neuf études, un collectif de médecins et de chercheurs est arrivé à la conclusion suivante : la kinésithérapie respiratoire "ne change rien à l’évolution de la bronchiolite, cela ne guérit pas plus vite, cela n’évite pas d’aller à l’hôpital pour certains cas graves", résume pour Europe 1 Bruno Toussaint, de la revue Prescrire. Aucune différence n'a été retrouvée en termes d'évolution clinique, d'oxygénation du sang, de fréquence respiratoire, de durée de la maladie ou de l'hospitalisation, quelle que soit la technique de "kiné" respiratoire utilisée.
• C'est surtout une question de confort. Le véritable apport de la kinésithérapie respiratoire est à chercher du côté du confort. Les enfants ainsi traités respirent mieux mais pour quelques heures seulement. Cette technique doit donc être utilisée pour les cas les plus graves et "à titre de confort plutôt qu’à titre de guérison", confirme Christophe Delacourt, chef du service de pneumologie pédiatrique à l’hôpital Necker.
• Et quelques risques aussi. Si la kinésithérapie respiratoire ne guérit pas les nourrissons atteints de bronchiolite, elle peut en revanche provoquer des accidents, notamment des fractures de côtes lorsque le massage est mal pratiqué ou dosé. Ce qui amène la revue Prescrire à parler d’une "balance bénéfices-risques défavorable, y compris avec la technique habituellement utilisée en France. Mieux vaut épargner cette épreuve aux bébés".
• Ce que répondent les kinésithérapeutes. "La kinésithérapie respiratoire n'a jamais revendiqué le fait de guérir une bronchiolite", a réagi sur Europe 1 Stéphane Michel, président du Syndicat national des masseurs kinésithérapeutes, mais "cela permet au nourrisson d'être désencombré, de mieux dormir et mieux s'alimenter, donc s'hydrater". Et ce dernier de contester les risques de fracture des côtes : "la revue Prescrire se base sur une étude qui s'appelle Bronkinou. Une même étude, qui s'appelle Fra.Co.Nou, a été réalisée dans les années 2008 - 2010 sur 5.000 cas et il y a zéro fracture de côte".
• Les réflexes de base. Si recourir à la kinésithérapie respiratoire pour ce genre d’infection ne doit pas être automatique, d’autres gestes sont en revanche incontournables. La seule manière d'éviter la contagion est, selon l'Inpes, de se laver régulièrement les mains, porter un masque chirurgical pour s'occuper d'un bébé et ne pas l'embrasser lorsqu'on est malade, se couvrir la bouche pour éternuer ou tousser et éviter les lieux publics où l'enfant pourrait être en contact avec des personnes contaminées.