C’est un coup dur pour la défense d’Yvan Colonna. La cour d’assises spéciale de Paris, qui rejuge une troisième fois le berger de Cargèse pour l’assassinat du préfet Erignac, a décidé mercredi de verser aux débats la lettre de menaces attribuée à l’accusé. Une lettre destinée à Pierre Alessandri, membre du commando Erignac, et déjà condamné pour l’assassinat du préfet.
Dans cette missive de quatre pages, rédigée en corse, Yvan Colonna enjoint son ami Pierre Alessandri de "tout faire pour [le] libérer" … sinon "ce sera la guerre", menaçait-il. Révélée à la justice le 27 mai par le président de la cour Hervé Stephan, qui la tenait du directeur de la police judiciaire, la lettre est, selon l’en-tête, datée du 19 décembre 2010, et a été écrite à Fresnes, là où était emprisonné Colonna.
Or Pierre Alessandri avait mis en cause Yvan Colonna dans l’assassinat du préfet Erignac en garde à vue, en mai 1999, avant de se rétracter 17 mois plus tard.
La défense va se pourvoir en cassation
Face à cet élément accablant, la défense d’Yvan Colonna est sévèrement mise à mal. Les avocats de l’accusé ont annoncé mercredi qu’ils allaient "immédiatement former un pourvoi en cassation" contre la décision de la cour de verser la lettre aux débats.
Mais depuis la découverte de cette lettre, la défense est embarrassée : les avocats d’Yvan Colonna ont d’abord semblé, dans leurs déclarations à la presse, reconnaître que la lettre avait bien été écrite par leur client. Avant de mettre en doute son authenticité devant la cour, et de demander son irrecevabilité.
La défense conteste aussi les conditions d’acheminement de la lettre, qui restent floues : le directeur de la police judiciaire, Christian Lothion, n'a pas voulu révéler l'identité de la personne qui la lui a transmise. "Cela tient à la sécurité des personnes, dans cette affaire comme dans d'autres", a-t-il commenté.
Les avocats de Colonna ont créé une fausse lettre
Mercredi, à l'audience, les avocats d'Yvan Colonna ont produit une lettre photocopiée, volontairement "bidouillée". Le but : prouver qu'il est impossible de se fier à une photocopie. "On a pris cette lettre, on l'a scannée, on a déplacé quelques expressions, et on a une lettre qui dit le contraire de ce qu’elle est censée dire", a argumenté Me Dupond-Moretti, l'un des avocats de la défense, au micro d'Europe 1. Et de s'interroger : "si je produis une lettre photocopiée pour une reconnaissance de dette, on m’envoie bouler. Comment on serait moins scrupuleux quand il s’agit de liberté que quand il s’agit d’argent ?".
De son côté, Pierre Alessandri a démenti, par le biais de son avocat, avoir reçu la missive d’Yvan Colonna.