Plusieurs centaines de policiers ont manifesté mercredi soir de façon spontanée et spectaculaire à Bobigny puis sur les Champs-Elysées à Paris contre la mise en examen pour "homicide volontaire" d'un de leurs collègues poursuivi pour avoir tué un homme recherché. En plein Paris, une cinquantaine de voitures de police - certaines banalisées et d'autres siglées "police" - ont descendu mercredi soir la célèbre avenue, gyrophares allumés et sirènes hurlantes. Après s'être heurtés à un double cordon de motards de la police et de CRS, ils ont pu avoir accès au ministère de l'Intérieur, à quelques centaines de mètres de là.
"Un collègue injustement mis en examen"
Venu défendre un "collègue injustement mis en examen", un policier en civil affirme, sous couvert de l'anonymat, que son confrère a "agi en état de légitime défense face à un individu très connu des services de police, sur lesquels il avait jeté une grenade, qui avait des armes de poing et qui était très dangereux".
Même son de cloche du côté de Nicolas Comte, secrétaire général du premier syndicat de gardiens de la paix Unité police SGP-FO. Pour lui, cette mise en examen est incompréhensible et révoltante. "Homicide volontaire, c'est 30 ans de prison. Homicide volontaire, c'est meurtre. Meurtre, ça veut dire que vous aviez l'intention délibérée de tuer. Je crois qu'il n'y avait pas du tout d'intention d'aller tuer quelqu'un. Il y a un policier qui s'est retrouvé face à un individu dangereux et qui dû se défendre, et ça fait toute la différence", lance-t-il furieux au micro d'Europe 1.
Selon Unité police SGP-FO, auquel appartient le policier mis en cause qui est délégué syndical, il n'y "a pas eu de mot d'ordre" de ce syndicat pour manifester. Le syndicaliste a reconnu implicitement avoir été débordé "par la base" qui "a manifesté un gros ras-le-bol des conditions de travail en Seine-Saint-Denis, un ras-le-bol de décisions parfois incompréhensibles du parquet" ou "de la violence à leur égard".
Les syndicats reçus au ministère de l'Intérieur
Les 150 policiers manifestants, après leur démonstration de force, sont repartis amères et dépités vers 22h30, permettant à la circulation de reprendre. Trois syndicats de gardiens de la paix ont été reçus en fin de soirée au cabinet du ministre de l'Intérieur. Ils ont reçu le soutien moral et financier du ministère pour que le policier, placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer, puisse continuer à toucher son salaire. Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant a dit "comprendre l'émotion" des policiers, ajoutant qu'il appartenait "à la justice de faire la lumière sur ce qui s'est passé".
L'affaire remonte à samedi soir, quand des policiers sont intervenus à Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, pour arrêter un malfaiteur. L'un d'eux a ouvert le feu à quatre reprises, tuant cet homme âgé de 28 ans. L'enquête a ensuite révélé qu'il avait notamment été touché d'une balle tirée dans son dos. Pour les magistrats, cela signifie pour l'instant que la légitime défense, invoquée par le policier, ne peut pas être retenue. L'agent a donc été mis en examen pour homicide volontaire mercredi et placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d'exercer.
Pour les fonctionnaires de police, la qualification est excessive et leur collègue n'a jamais eu la volonté de tuer le malfaiteur. Le Parquet de Bobigny pourrait d'ailleurs faire appel du chef de mise en examen et demander une requalification en "violences volontaires avec arme par une personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner".