"Dans ma tête, Eric c'était Dieu, voilà". Au deuxième jour du procès de quatre personnes accusées de l'avoir torturée pour l'exorciser, Antoinette a raconté, devant la cour d'assises de l'Essonne, l'emprise qu'avait sur elle Eric Deron, son compagnon à l'époque des faits. Les témoins à la barre ont d'ailleurs décrit le prévenu comme un "gourou" qui "rêvait d'énoncer la parole biblique".
>> A lire - L'exorcisme ressurgit en France
"Quand il parlait de Dieu, j'étais captivée". Antoinette, jeune Camerounaise de 21 ans, avait fait la rencontre d'Eric Deron à l'âge de 16 ans par le biais de l'Eglise adventiste du 7e jour, un mouvement protestant évangélique. "J'étais touchée par tout ce qui concernait Dieu, j'étais très intéressée par tout ça", raconte-t-elle aux juges, où se déroule le procès depuis lundi. Dès leur rencontre, elle est séduite. "Il disait que j'étais investie d'une grande mission, que Dieu avait besoin de moi. C'est un discours qui m'a complètement figée. Il avait un certain charisme. Quand il parlait de Dieu, j'étais captivée", raconte-t-elle.
"Je faisais tout ce qu'il me disait". A tel point qu'elle finit par emménager avec lui et couper les ponts avec sa famille. "Il me disait que ma mère faisait de la sorcellerie, que je ne devais plus la voir". Radiés de l'église adventiste en raison de problèmes disciplinaires, ils créent alors, avec deux autres personnes, un groupuscule dissident. A partir de ce moment là, ils s'installent tous ensemble en quasi-autarcie chez Lise-Michelle, la mère d'Eric. "Après on n'allait plus à l'Eglise, on ne sortait plus", dit-elle. "Je faisais tout ce qu'il me disait à la lettre", a encore raconté Antoinette. "Il disait que la femme devait être soumise à son mari comme à Dieu, qu'elle devait lui obéir au doigt et à l'oeil".
"Elle était domptée par Eric". "C'était comme si Antoinette avait subi un lavage de cerveau", confirme Marguerite, sa mère. "Elle était complètement domptée par Eric". Pendant de nombreux mois, elle avait tenté de reprendre la main sur sa fille. "Non aux sectes, non aux gourous. Eric Deron et sa mère, 2e porte à droite", avait-elle affiché dans son immeuble à Grigny, dans l'Essonne, sans résultat.
Elle souffrait de "délires mystiques". Facteur expliquant également la soumission d'Antoinette : cette dernière souffrait depuis plusieurs années de troubles psychiatriques, des "délires mystiques", selon sa mère. Au cours de ces crises, elle pouvait tenir des propos incohérents et faire preuve de violence physique ou verbale, a-t-elle ajouté. Un soir de mai 2011, Antoinette s'est en effet mise à crier des phrases incompréhensibles, son visage s'est déformé et elle aurait essayé de sauter sur Eric pour le frapper. Après avoir été maîtrisée non sans difficulté, elle aurait finalement accepté d'être exorcisée. Pour chasser le démon censé la posséder, ils l'attachent alors à un matelas et la privent de nourriture.
"C'étaient de gentils illuminés". Quelques mois auparavant, pourtant, rien ne laissait présager de tels faits, a affirmé à la barre un policier qui avait entendu les parties dans le cadre d'une enquête sur une possible dérive sectaire. A l'époque, en septembre 2010, il avait simplement noté qu'Eric Deron était quelqu'un "qui rêvait d'être pasteur, d'énoncer de sa bouche la parole biblique". "C'étaient de gentils illuminés un peu en marge, mais il n'y avait pas de signe de dangerosité", a-t-il dit. Le procès doit s'achever vendredi.