"Hôtel moderne, climatisé, avec un parking extérieur sécurisé bien éclairé. Ascenseurs spacieux. Assez proche de la voie rapide mais très calme. Chambre claire, avec plusieurs fenêtres, lit spacieux et confortable. (…) Je vous recommande cet hôtel".
Des commentaires comme celui-ci, signé Florence sur le site Holidaycheck, l’internaute en croise presque tous les jours sur les forums et les sites de réservation. Des messages enthousiastes, (trop) bien écrits et détaillés, postés par de nouveaux venus : autant d’indices pour démasquer un commentaire publicitaire.
Cette technique de "l’undercover marketing" est utilisée par les entreprises afin de se faire passer pour un internaute lambda et véhiculer une bonne image venant "d’en bas". Mais face à l’ampleur du phénomène, les autorités ont décidé de réagir.
Vers un code de bonne conduite
L’Association française de Normalisation (Afnor) a ainsi été chargée par la Direction de la concurrence de préparer un code de bonne conduite pour limiter ce phénomène de faux témoignages. Les grandes lignes de ce projet sont dévoilées cette semaine à l’occasion du Salon du e-commerce.
L’objectif est simple : labéliser les sites qui bannissent les faux avis pour ne garder que d’authentiques commentaires. Mais l’Afnor "en est vraiment au tout début", reconnait sa responsable presse, Sophie Merle. Le programme est chargé : "lancer une commission en décembre 2011, suivie d’une enquête publique courant 2012 et de l’apparition d’une norme à la fin de cette même année". Problème : il s’agira d’un code de bonnes pratiques, seuls les sites qui le désirent l’appliqueront.
L’e-réputation, un enjeu de taille
Si se faire passer pour un internaute est devenu tentant, c’est parce "qu’un commentaire peut être plus persuasif qu’une publicité à laquelle on ne croit plus", décrypte Emmanuel Fraysse, auteur du livre Facebook, Twitter et le web social : les nouvelles opportunités de business.
"Le web social a permis de changer de braquet avec une revalorisation de l’individu au détriment d’une institution ou d’une entreprise. On est passé d’une logique d’expert à une logique de pairs, on fait plus confiance aux autres internautes", poursuit Emmanuel Fraysse, par ailleurs directeur de pôle web chez Infopro Communications.
Trop de faux avis tue la communication
"Des blogueurs sont au service des marques, être présent sur les forums en multipliant les commentaires, cela a toujours existé", ajoute-t-il. Mais à force, l’internaute s’en méfie et un consommateur qui doute n’achète pas. Pire, certaines opérations de communication se sont retournées contre leurs auteurs.
"Un blogueur avait écrit un article incendiaire sur HSBC et avait vu apparaitre un commentaire disant ‘je suis très content de cette banque’. Sauf qu’en tant qu’administrateur du blog, il a pu identifier l’adresse IP et s’était rendu compte que le message venait de HSBC". Rendue publique, l’affaire a été calamiteuse pour l’image de la banque anglaise.
Les forums consacrés aux produits de beauté féminins regorgent aussi de ce genre d'opération marketing mal dissimulée. Même lancement ("Hello les filles !"), enthousiasme sans limite, validation par une autre personne (une amie, ma mère...) : c'est ainsi que Petitlu02, qui n'a été actif que deux jours sur les forums du site Aufeminin, conseille d'utiliser plusieurs crèmes... appartenant toutes au même groupe cosmétique. Constat similaire avec Marina8581, visiblement mandatée par Seaderm pour vanter le "Croc-celluli" : des internautes anonymes, trop furtifs et monomaniaques pour ne pas inspirer le doute.
La communication conserve une longueur d’avance
Non-obligatoire, la future charte risque de toute façon d'avoir une influence très limitée sur des entreprises ayant déjà affiné leur stratégie sur les forums et réseaux sociaux. "Les commentaires publicitaires, c'est dépassé, cela se sent vite. Puisqu’il y a désormais assez d’internautes pour parler de leurs produits, les entreprises se concentrent désormais sur les atteintes à leur image", détaille Paul Vivant, fondateur de Digimind, éditeur de logiciel d’e-reputation.
"L’objectif est de repérer très tôt les informations négatives, surtout lorsqu’elles apparaissent dans les premières pages de Google", ajoute-t-il. Dès l’information négative repérée, "des agences de communications inondent le web d’informations positives pour pousser la mauvaise plus bas dans Google". La e-communication reste donc à l’avant-garde et prépare même l’artillerie lourde : les grands centres d’appels commencent à vendre des services d’e-reputation sur le web.