Rien n'est pour l'instant tranché. La Commission consultative du secret de la défense nationale a donné un avis favorable vendredi à la déclassification de 65 documents de Matignon, des Affaires étrangères et de la Défense relatifs au volet financier du dossier judiciaire de l'attentat de Karachi, le 8 mai 2002. Onze Français avaient été tués. Malgré cette avancée, seuls les ministères concernés décideront de lever le secret-défense sur les documents demandés par les juges d'instruction. Europe1.fr fait le point sur la signification de cette décision.
Que signifie le secret-défense ? L'expression est utilisée pour qualifier un document gouvernemental ou militaire qui met en jeu la sécurité nationale. "Présentent un caractère de secret de la défense nationale […] les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès", dit l’article 413-9 du code pénal. L'accès a ces éléments classés par l'Elysée, Matignon ou d'autres ministères est limité à quelques personnes. Depuis la loi du 29 juillet 2009, le secret-défense est étendu à une vingtaine de lieux abritant les documents classifiés, notamment les services de renseignement et de contre-espionnage.
Il y a plusieurs gradations : le confidentiel défense, le secret défense et enfin le très secret défense. Le secret défense proprement dit couvre les écoutes téléphoniques, des spécifications techniques sur des équipements militaires, des contrats particuliers, les débats des commissions autorisant les ventes d’armement .
Qui décide la levée du secret-défense ?La Commission consultative du secret de la défense nationale n'a qu'un avis consultatif. Créée par la loi du 8 juillet 1998, l'autorité administrative indépendante est saisie par un magistrat instructeur qui souhaite accéder à des documents classifiés pour son enquête. Elle se prononce sur les demandes de levée de secret-défense mais seul le ministre qui a ordonné le classement peut décider de le lever. Jusqu'à présent, la CCSDN a émis quelque 180 avis dont les trois quarts favorables à la déclassification. Ils ont été suivis dans leur quasi totalité par les autorités concernées.
Qui a demandé cette déclassification ? Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke a déposé ces demandes auprès du Premier ministre François Fillon, du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé et du ministre de la Défense Gérard Longuet en mars. Ce magistrat est chargé avec Roger Le Loire de l'information ouverte pour "abus de biens sociaux, complicité et recel" à propos de deux contrats d'armements, dont l'un est lié à l'attentat de Karachi.
Quels sont les documents concernés ? Dans son premier avis publié vendredi, la CCSDN émet un avis favorable à la déclassification de 39 documents classifiés du ministère des Affaires étrangères et européennes. Le deuxième, concernant le ministère de la Défense, donne un avis favorable à la déclassification de six des huit documents demandés par le magistrat. Il est cependant défavorable à la déclassification de deux fiches du 21 février 1997.
Un troisième avis, également demandé par la Défense, se prononce pour la déclassification de seize des dix-sept documents soumis à l'avis de la CCSDN et pour la déclassification partielle d'une note du 24 juillet 1998.
Enfin dans un quatrième avis, la CCSDN propose la déclassification de quatre des sept documents demandés par le juge aux services du Premier ministre. Elle émet un avis partiellement favorable à la déclassification de trois documents: une note au directeur du cabinet du Premier ministre du 26 novembre 1997, une note adressée au Premier ministre par le Secrétaire général de la défense nationale le 22 décembre 1997 à la suite d'une réunion, quatre jours plus tôt, de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), un compte rendu de réunion du 18 février 1998.
Une quinzaine d’avis ont déjà été donnés par la CCSDN dans ce dossier. Les deux tiers ont été favorables à la déclassification, le dernier tiers étant partiellement favorable ou défavorable.
Qui est mis en examen dans ce volet financier ? Ziad Takieddine, intermédiaire franco-libanais de ces contrats d'armement conclus en 1994, a été mis en examen à trois reprises, dont la dernière remonte au 24 avril, pour "complicité et recel d'abus de biens sociaux" et pour "blanchiment aggravé".
Thierry Gaubert, l’ex-conseiller de Nicolas Sarkozy a été mis en examen le 21 septembre pour recel d’abus de biens sociaux.
Nicolas Bazire, directeur de cabinet d’Edouard Balladur et proche de Nicolas Sarkozy a été mis en examen le 22 septembre pour complicité d'abus de biens sociaux.
Enfin, Renaud Donnedieu de Vabres a été mis en examen le 15 décembre pour "complicité d’abus de biens sociaux".
Et maintenant ? La balle est désormais dans le camp du futur gouvernement. A l'issue du second tour de l'élection présidentielle, tous les portes-feuilles ministériels seront redistribués. Or, seuls les ministères ayant classés les documents réclamés par les juges d'instruction peuvent décider de lever le secret-défense. Si Nicolas Sarkozy est réélu dimanche, il changera le gouvernement dans les 48 heures, a-t-il dit vendredi sur Europe 1. La décision pourrait donc intervenir très rapidement. En revanche, si François Hollande l'emporte, le nouveau gouvernement ne sera nommé que mi-mai, quand il prendra ses fonctions.