C'est une première. L'Etat a été condamné mercredi par le tribunal de grande instance de Paris pour des procédures jugées excessivement longues devant les conseils des prud'hommes qui règlent les conflits du travail.
Seize plaignants se sont ainsi vus accorder des dommages et intérêts allant de 1.500 à 8.500 euros pour avoir attendu jusqu'à trois ans que leur cas soit réglé aux prud'hommes de Bobigny, Nanterre et Longjumeau. Ils réclamaient 20.000 euros chacun.
"C'est une vraie victoire", a réagi devant la presse Me Aline Chanu, membre du Syndicat des avocats de France (SAF). Il y a un an, cette organisation a lancé cette démarche collective inédite par laquelle plusieurs avocats habitués des prud'hommes ont assigné l'Etat dans 71 dossiers.
Vingt autres dossiers en attente
La prochaine audience aura lieu le 15 février, avec une vingtaine d'affaires plaidées, ont expliqué Me Chenu et son confrère Steve Doudet. "Nous avons voulu dénoncer le manque de moyens des prud'hommes, nous avons été entendus", a ajouté Me Chenu. Selon elle, le jugement comporte "des attendus de principe qui vont au-delà de cas individuels". "Il y a pratiquement une injonction faite à l'Etat d'agir", a-t-elle estimé.
Le code du travail prévoit un délai d'un mois pour le traitement des dossiers par le conseil des prud'hommes. "Si manifestement cette attente résulte du manque de moyens de la juridiction prud'homale, il n'est pas discutable qu'il revient précisément à l’État de mettre en œuvre les moyens propres à assurer le service de la justice dans des délais raisonnables", peut-on lire dans la décision rendue par le TGI de Paris.
Le manque de moyens dénoncé
Or, le tribunal estime que l'Etat n'a pas "rapporté la preuve que des mesures particulières ont été prises par le ministère de la justice ou la juridiction en cause afin de rechercher une solution pérenne aux difficultés rencontrées" par les conseils des prud'hommes concernés.
A l'audience, le ministère public avait admis des délais "excessifs, anormaux et injustifiés" en raison de "l'encombrement des juridictions", et reconnu "un préjudice moral incontestable" au vu de "la tension et de l'angoisse" subies par les demandeurs.
Le conseil des prud'hommes est composé de représentants élus du patronat et des syndicats. Depuis plusieurs mois, le secteur dénonce le manque de moyens, aggravé selon lui par la réforme en 2008 de la carte judiciaire qui a supprimé 62 conseils de prud'hommes.