Travailler pour zéro, voilà ce qui attend les élèves éducateurs et futures assistantes sociales. Jeudi soir, le Sénat a adopté une proposition de loi de Sylvie Desmarescaux, sénatrice du Nord (non inscrite), et Nicolas About, sénateur UMP des Yvelines qui lève les indemnités versées aux stagiaires dans le secteur sanitaire et social.
Un cri d’alarme des étudiants
Depuis plusieurs années, ce secteur peine à rémunérer ses stagiaires conformément à la loi du 31 mars 2006, qui prévoit une "gratification obligatoire des stages étudiants d’une durée supérieure à trois mois consécutifs". Ne disposant pas des ressources nécessaires, les structures sanitaires et sociales n’en proposent plus. Trouver un stage en tant qu’assistant social ou encore éducateur de jeune enfants est devenu quasiment impossible pour un grand nombre d’étudiants. Ce stage est pourtant nécessaire à l’obtention de leur diplôme.
"C’est un véritable cri d’alarme que nous avons reçu des étudiants", explique la sénatrice Sylvie Desmarescaux, jointe par Europe1.fr. "Face à l’urgence de la situation, nous avons décidé de proposer une suspension des indemnités afin que ces secteurs puissent recruter, à nouveau, des stagiaires et que les étudiants puissent obtenir leur diplôme", explique-t-elle.
Ainsi, pour encourager les offres, le texte propose que "les stages liés à un cursus pédagogique intégré à la formation des travailleurs sociaux n'emportent versement d'aucune forme de rémunération ou de gratification". Il s’agit en fait d’une demande de suspension de la loi de 2006 "jusqu’au 31 décembre 2012, le temps de trouver une meilleure solution", précise Sylvie Desmarescaux, "consciente de l’impact d’une telle mesure" sur le niveau de vie des étudiants.
La structure avant le salaire
Pour Yann, étudiant dans une école d'assistant social à Angers, il y a bel et bien urgence à trouver une solution pour les stages obligatoires. "On a tous réussi à trouver un stage, mais certains ne l’on su qu’une semaine avant de commencer et le choix a été très restreint", explique l’étudiant de 26 ans.
A choisir entre un stage rémunéré, mais qui ne correspond pas vraiment à ce qu’il veut faire et un stage non payé dans la structure qui lui convient, Yann préfère la deuxième solution. "Le fait d’être payé n’est pas le plus important, c’est le lieu de stage qui compte dans cette logique de formation que représente un stage", confie-t-il, précisant toutefois que l’idéal serait d’avoir le salaire et la structure qui convient.
Un effet de dominos
Mais pour le collectif Génération précaire, une telle proposition de loi est un retour en arrière. "Certains secteurs se sont fabriqués cette habitude d’avoir recours à beaucoup de stagiaires non payés et sont devenus dépendant de cette main-d’œuvre gratuite", explique Guillaume, membre du collectif génération précaire.
"Or la loi de 2006 doit être appliquée aussi bien au secteur public qu’au secteur privé. Ce n’est pas parce qu’on est une structure sociale qu’on ne doit pas payer ses stagiaires", ajoute le militant qui souhaite qu’un compromis soit trouvé afin que les régions aident ces établissements publiques à trouver les fonds nécessaires pour financer les stages de longue durée.
"Si des moyens financiers sont dégagés pour les élèves de polytechnique et de la magistrature pourquoi n'en serait-il pas de même pour la filière médico-sociale?", a questionné Jean-Pierre Godefroy (PS) dénonçant une "discrimination" envers cette filière.
Bilan en 2012
La mesure a été fixée jusqu'au 31 décembre 2012. Le gouvernement devrait ensuite faire un bilan et étudier la possibilité de transférer aux conseils régionaux la prise en charge de ces stages.
- Doit-on revenir à des stages non rémunérés face à l’absence d’offres ?