Deux mois jour pour jour après son arrestation, l'ex-commissaire Michel Neyret, mis en examen pour trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs, est apparu jeudi devant les assises de la Loire en tant que témoin. Mèche balayée sur le front et allure toujours fringante, avec son costume anthracite et ses chaussures vernies, il affichait un sourire en coin. Visiblement amaigri et malgré ses traits tirés, il s'est montré à la barre très combatif.
Au menu des débats, il n'y avait pas le dossier de corruption qui a provoqué la chute de Michel Neyret et de plusieurs autres policiers lyonnais mais une affaire de braquage avec séquestration en Suisse que le tribunal de Saint-Etienne juge en appel et pour laquelle le "grand flic" était appelé comme témoin. Car à l'époque, en 2003, Michel Neyret était le patron de la BRI de Lyon et il avait participé à l'enquête qui avait permis l'arrestation des malfaiteurs.
Un témoin qui raconte "de mémoire"
"Au cours de l'année 2002-2003, j'étais responsable de la brigade de recherche et d'intervention (BRI) au sein de la police judiciaire de Lyon", a ainsi confirmé à la barre l'ancien "super-flic". Qui a précisé raconter "de mémoire", ajoutant : "Dans la position où je suis, je n'ai pas eu l'occasion de me replonger dans le dossier." Mais sur le fond, Michel Neyret s'est figé dans la position du policier expérimenté et professionnel, repoussant toutes les attaques des autres avocats sur d’éventuelles négligences
Extrait jeudi matin de sa cellule de la prison de la Santé à Paris, l'ancien numéro 2 de la PJ de Lyon avait fait le trajet en voiture et sous très bonne escorte jusqu'à Saint-Etienne. Autour de lui, au moins six gendarmes l'ont surveillé en permanence. Le Palais de justice de Saint-Etienne avait lui aussi été placé sous haute sécurité, avec notamment les hommes du Groupement d’intervention de la police nationale (GIPN).
Au départ, l'audition devait se faire par visioconférence. Mais les avocats de la défense, qui contestent les méthodes de la police dans cette affaire, pensaient que la présence physique de Michel Neyret pourrait changer bien des choses. "De voir arriver le commissaire Neyret accompagné de gendarmes, ça a plus d’impact sur les jurés, qui pourraient se poser des questions sur la validité de la procédure qui a été faite", avait affirmé Me Mohammed Chebbah, ravi d’avoir eu gain de cause.
Une audition trop coûteuse ?
Ce dispositif de sécurité n'a cependant pas plu à tout le monde. "Une visioconférence aurait coûté en tout et pour tout 23 mètres de câble", a rappelé le procureur de Saint Etienne, Jean-Daniel Regnauld. "Alors que là, il y a bien évidemment tous les frais qui sont liés au transport entre Paris et Saint-Etienne, plus des heures de fonctionnaires, qui seront à la cour d’assises, alors qu’ils auraient pu être sur le terrain afin de poursuivre les délinquants."
C’est aussi pour des raisons de sécurité que le trajet en train, accompagné d’une nuit dans la prison de Saint-Etienne, a été écarté. "Nous n’aurions pas pu assurer la protection de l’ex-commissaire dans une cellule au milieu des truands", explique le procureur de Saint-Etienne. Jeudi soir, Michel Neyret a donc repris la route, direction sa cellule de la prison de la Santé.