Il était le seul mis en examen. Le professeur Pierre Pellerin, 88 ans, était soupçonné d’avoir dissimulé au public l’ampleur de la radioactivité due au passage du nuage de Tchernobyl, en 1986. Poursuivi pour "tromperie aggravée", il a bénéficié d’un non-lieu prononcé mercredi par la cour d’appel de Paris, ce qui met fin à l’enquête ouverte en 2001 sur l’affaire.
L’abandon de l’enquête, déploré par les parties civiles, n’est pas une surprise : la cour d’appel a suivi les recommandations du parquet général, qui estimait en mars que les analyses scientifiques ne permettaient pas d’établir un lien entre le passage du nuage radioactif et des maladies de la thyroïde.
Pourvoi en cassation
D’après un rapport d’experts publié en août, la proportion de troubles de la thyroïde a pourtant connu une forte augmentation après 1986 en Corse, région particulièrement touchée. Me Bernard Fau, avocat des parties civiles, a affirmé que l’association regroupant les victimes entendait se pourvoir en cassation.
"C’est une décision qui va laisser un goût amer du point de vue des victimes", a-t-il réagi. "Cela signe l'impuissance de l'autorité judiciaire à appréhender ces grandes affaires qui touchent aux catastrophes industrielles, sanitaires, environnementales", a fustigé l'avocat sur Europe 1. Chantal Loir, présidente de l'association des victimes de la thyroïde, a dit sur Europe 1 éprouver de la "colère" et réclamer une politique de prévention. Sur les problèmes thyroïdiens, a-t-elle affirmé, "on est passé de un sur cinquante à un sur dix".
"Déni de justice"
Michèle Rivasi, fondatrice en 1986 de la Commission indépendante de suivi de la radioactivité, la Crirad, s'est dite sur Europe 1 "scandalisée" par cette décision. "Des perquisitions ont montré qu'il y avait des documents classés confidentiels parce que le lait dépassait complètement les normes qui étaient fixées par l'Europe", a-t-elle indiqué, affirmant que Pierre Pellerin "mentait". Elle a dénoncé un "déni de justice", expression employée également par le député Noël Mamère. Pour le maire de Bègles, ce non-lieu "prouve la force du lobby nucléaire dans notre pays".
En 1986, Pierre Pellerin, spécialiste du nucléaire, était à la tête du Service central de protection contre les rayons ionisants. L’organisme avait émis des avis rassurants sur l’impact de la catastrophe en France. L’un des communiqués affirmait notamment que "l’élévation relative de la radioactivité" en France était "très largement inférieure aux limites réglementaires".