Le débat. Doit-on assimiler maisons de retraite et prisons ? La question a été soulevée lundi par Jean-Marie Delarue, contrôleur général des prisons et des privations de liberté. Ce dernier propose en effet, dans un rapport annuel, de mettre en place des contrôles effectués par ses équipes dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). "L'expérience que nous avons des visites et nos méthodes de dialogue pourraient servir à autre chose qu'à la prison", a-t-il expliqué sur Europe1 lundi soir. De quoi susciter une levée de bouclier de certains directeurs d'établissement.
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Pour des "visites inopinées". Jean-Marie Delarue propose que ses équipes puissent faire des visites "inopinées" dans certaines maisons de retraite "pour vérifier que les personnes sont bien traitées, qu'il n'y a pas de violation de leurs droits fondamentaux et qu'on exagère pas un peu dans la contrainte que l'on fait peser sur elles." "Cela rassurerait les familles", face à des risques "de maltraitances", "d'impatience" du personnel et de contraintes "non nécessitées par le besoin", a-t-il développé sur Europe1.
Les maisons de retraites, des "prisons" ? Jean-Marie Delarue le précise : "je ne veux surtout pas faire prendre les maisons de retraite pour des prisons". Mais il note dans son rapport que les "verrous de sécurité" se multiplient dans les Ehpad. Selon lui, les personnes âgées, dépendantes, rentrent bien de leur plein gré ou avec l'accord des familles mais elles sont ensuite, "de fait", privée de libertés.
Des "verrous" bien réels. Certains chiffres donnent raison au contrôleur des prisons. D'après une enquête réalisée en 2009 par la Fondation Médéric Alzheimer et citée par Le Monde, 88 % des Ehpad déclaraient en effet avoir recours à des "mesures de protections" pour éviter les fugues. Digicodes, portiques qui réagissent à des puces placées dans les vêtements des résidents, bracelets électroniques… les "verrous" se multiplient dans ces établissements. Pout Joëlle Le Gall, présidente de la Fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles, citée par le journal, il est d'ailleurs "évident" que les Ehpad portent atteinte à la liberté. "Je sais que les mots sont forts, mais je considère que ce sont des prisons. On n'y a pas la possibilité d'y faire ce qu'on veut, comme manger ou dormir quand on veut", ose-t-elle-même dans les colonnes du quotidien du soir.
Un "amalgame violent". Mais ce n'est pas l'avis de tout le monde. "L'ensemble du secteur est très surpris", a ainsi réagi Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, premier syndicat des maisons de retraite privées. "Contrairement à ce que dit M. Delarue, les maisons de retraite sont des lieux de vie très ouverts", a-t-elle argumenté, dénonçant la "violence de l'amalgame". Moins virulente, la ministre en charge des Personnes âgées, Michèle Delaunay, n'en est pas moins sceptique. Cette proposition "pose des questions essentielles sur la liberté et les droits des résidents" mais elle "se heurte à des difficultés concrètes et à des questions déontologiques", avance-t-elle sur son blog. Et de renchérir : "considérer ces lieux comme limitatif de liberté serait peu encourageant pour les personnes âgées susceptibles d'y entrer et pour le personnel". D'autant que "ce sont des lieux restrictifs de liberté uniquement dans l'intérêt de la personne, ce qui est différent", poursuit-elle dans Le Monde.
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Que propose le gouvernement ? Si la ministre semble avoir à cœur de ne pas faire d'amalgame, elle entend tout de même aborder les questions "liées à le maltraitance, au respect des droits et à la liberté" des personnes âgées. "Tout doit être fait pour qu'une personne âgée bénéficie du maximum de liberté que son état cognitif lui autorise", a insisté Michèle Delaunay au micro d'Europe1. Elle dit "compter sur la loi d'adaptation de la société au vieillissement", en préparation, pour résoudre tous ces problèmes. Prescriptions de calmants, usage de bracelets électroniques… La ministre le promet : le futur texte apportera un cadre juridique précis à ces pratiques.