C'est un bouleversement dans le milieu médical. La Haute autorité de santé (HAS) a estimé, dans un rapport publié mercredi, que le dépistage systématique du cancer de la prostate pouvait s'avérer dangereux même pour les hommes avec des facteurs de risque.
Privilégier le toucher rectal
Le dépistage du cancer de la prostate repose sur deux examens : le toucher rectal et une prise de sang pour établir le dosage de PSA, protéine sécrétée par cette glande. Et c'est cette prise de sang, contre laquelle les autorités sanitaires lèvent la voix.
Interrogé sur les derniers résultats d'une vaste étude européenne selon laquelle le dépistage par PSA diminuait la mortalité par cancer de la prostate, le Professeur Harousseau a rappelé que la HAS avait déjà "attiré l'attention en 2010 sur les biais méthodologiques de cette étude".
Si certains facteurs de risque génétiques et environnementaux de survenue de cancer de la prostate sont identifiés, il n'est toutefois pas possible de mesurer scientifiquement le niveau de risque.
"Certains cancers ne sont pas dangereux"
Alors que le cancer de la prostate n'est pas le plus meurtrier, derrière le cancer du poumon ou le cancer colorectal avec quelque 8.700 décès, il est au 1er rang des cancers diagnostiqués avec 71.200 cas estimés en 2011. De fait, le dépistage individuel a pris l'ampleur d'un dépistage de masse au niveau national : il concerne plus de deux hommes sur trois, selon l'Association française d'urologie (Afu).
"C'est un vrai problème", déplore l'urologue François Desgrandschamps, mercredi sur Europe 1. "On sait depuis au moins cinq ou six ans que certains cancers ne sont pas graves et, malgré cela, les habitudes de traitement n'ont pas évolué", poursuit-il.
Mieux vaut guérir que prévenir
En revanche, avec ou sans prédisposition, les hommes "sont exposés aux mêmes inconvénients et risques" du dépistage, souligne la HAS. Ce sont des risques de pertes de sang et d'infections lors des biopsies de confirmation du diagnostic, et des risques de surtraitement.
Interrogé sur Europe 1 mercredi, François Desgrandschamps, urologue à l'hôpital Saint Louis à Paris, reconnaît que ce dépistage présente en outre un risque élevé d'effets secondaires non négligeables. En effet, 30% des hommes diagnostiqués risquent de devenir incontinents et 80% impuissants.
C'est pourquoi la Haute autorité de santé "insiste sur l'importance de l'information" à apporter aux hommes qui envisagent la réalisation d'un dépistage individuel, "afin que chaque homme puisse choisir de se faire dépister ou non en connaissance de cause".