Certains d'entre eux disent être des "Wikilcooliques". Un terme bien précis pour désigner ces contributeurs très réguliers à Wikipédia, qui passent des heures entières à écrire des articles ou modifier le contenu de l'encyclopédie participative. En France, on compte entre 800 et 1.000 personnes qui y consacrent leur temps plusieurs fois par mois. Soit, "le noyau dur" des "Wikipédiens". Parmi eux, Thierry Coudray, 45 ans, à la tête d’une entreprise spécialisée dans les voitures électriques. Il fait partie des 200 premiers contributeurs français, avec à son actif, quelque 30.000 publications.
"A la base, c’était de la curiosité et l’envie de partager ses connaissances", raconte-t-il. "J’écris sur des sujets qui me passionnent J’en retire surtout une satisfaction intellectuelle", témoigne Thierry Coudray, qui se dit un peu frustré de ne pas avoir été professeur de géographie. Ainsi, il se rend quotidiennement sur Wikipédia pour veiller sur ses publications. "Je suis Wikilcoolique", plaisante-t-il.
Des "Wikirencontres"
Eric Coffinet, 56 ans, passe lui aussi de nombreuses heures devant son ordinateur : "J’aime aller me renseigner sur Wikipédia. Si je peux moi aussi apporter une petite pierre au savoir-commun… C’est du donnant-donnant", estime ce médecin généraliste qui a contribué quotidiennement à l’encyclopédie pendant près de deux ans. "Il s’agit pour moi de faire connaître les sujets que j’ai à cœur", à l’instar de son département des Alpes-Maritimes.
Une vraie communauté "d’accros" à Wikipédia, en somme. A tel point que les membres de l’association Wikimedia France se réunissent régulièrement pour partager leur savoir, lors de "Wikirencontres". "Cela permet d’échanger et de discuter dans un moment de convivialité", explique Thierry Coudray, trésorier de cette association.
"Chaque contributeur est égal"
De l’étudiant au retraité, n’importe qui peut apporter sa pierre à l’édifice de Wikipédia, qui compte quelque 17 millions d'articles publiés. "En France, le profil des contributeurs est très varié", explique Christophe Henner, membre du conseil d’administration de Wikimedia France, qui a pour vocation de valoriser les fonds de l’encyclopédie. "Mais si on devait établir un "profil type" du contributeur, il s’agirait d’un homme de plus de trente ans qui a fait de longues études. Parmi nos bénévoles, se trouvent beaucoup d’enseignants chercheurs", précise-t-il. Tout le monde donc, sans exception, peut écrire sur Wikipédia : "L’un de nos principes repose sur le fait que chaque contributeur est égal, qu’il soit doctorant ou facteur", insiste Christophe Henner.
"La confiance des internautes"
Sauf que tous ne contribuent pas au site pour les mêmes motivations. En laissant à n’importe quel internaute la possibilité de participer à l’élaboration de l’encyclopédie, la marge d’erreur est grande. Un risque que Wikipédia assume totalement : "Notre postulat de départ repose sur la confiance des internautes. On part du principe qu’il existe plus de personnes dans le monde qui veulent créer une encyclopédie de qualité, que de gens qui veulent la détruire", résume Christophe Henner.
Et les faits lui donnent raison. "Près de 98% des modifications malveillantes qui sont postées sur Wikipédia sont retirées en moins d’une minute", assure-t-il. "Et plus le sujet est visible, plus il y a de chance que l’erreur soit supprimée rapidement". A l’instar du journaliste musical Philippe Manœuvre, dont la mort avait été annoncée sur le site il y a quelques mois, avant que l’erreur ne soit corrigée quelques secondes plus tard. "Chaque bénévole vérifie l’exactitude des informations postées sur ses publications. C’est une autorégulation", indique Christophe Henner.
"Une police du site"
Du côté des contributeurs réguliers, tout est mis en œuvre pour atténuer cette marge d’erreur : "Des groupes de veille se sont formés sur Wikipédia. Les contributeurs réguliers corrigent très rapidement tout vandalisme dans une contribution, une sorte de police du site", explique Eric Coffinet. "Lorsque je vois qu’une erreur a été faite par un internaute dans l’une de mes publications, dans la majorité des cas, elle est déjà corrigée avant même que je n’ai le temps de le faire".
Et les détracteurs qui mettent en cause la fiabilité des informations fournies sur l’encyclopédie ne semblent pas vraiment atteindre Wikipédia : "Ca nous fait sourire", balaye Christophe Henner, avant de questionner : "Y a-t-il une seule source d’informations dans laquelle il n’y a aucune erreur ?"