La recherche embryonnaire revient à l'Assemblée. Le projet de loi, adopté au Sénat fin décembre, avait été torpillé fin mars par les députés de l'UMP. Il est revenu mercredi soir au Palais Bourbon, avant un vote solennel prévu mardi prochain. Ce texte prévoit de passer d'un régime d'interdiction de la recherche avec possibilité de dérogation à un régime d'autorisation encadré. Explications.
A quoi ça sert, la recherche embryonnaire ? C'est en quelque sorte préparer la médecine du futur. Les cellules souches contenues dans les embryons ont en effet la capacité de se transformer en n'importe quelle partie du corps humain : de la peau, des os, des muscles, etc. En s'intéressant de près à ces cellules, les scientifiques espèrent comprendre comment elles fonctionnent, pour pouvoir les reproduire en laboratoire. "C'est ce qu'on appelle la médecine régénérative", explique à Europe 1 le député radical du Val-de-Marne Roger Gérard Schwartzenberg. "Elle permet de traiter les affections graves, souvent incurables", souligne-t-il. Les usages potentiels sont innombrables : créer des neurones pour soigner la maladie d'Alzheimer, des cellules cardiaques pour les victimes d'infarctus, régénérer la peau de grands brûlés, soigner le diabète, etc. Deux projets en cours aux Etats-Unis portent par ailleurs sur des dégénérescence de la vue.
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Un processus très encadré. Si la question de la recherche sur les cellules souches fait autant polémique, c'est parce qu'elle nécessite l'utilisation d'embryons humains. Leur obtention est très encadrée : il s'agit de cellules obtenues in vitro, dans le cadre d'aide médicale à la procréation, et qui ne font plus l'objet d'un projet parental. Quand ils ne sont pas utilisés par des scientifiques, ces embryons sont donc détruits.
Invité d'Europe 1 jeudi matin, le Pr. René Frydman, médecin obstétricien à l'origine du premier bébé éprouvette français, a estimé que "ce qui compte le plus, c'est ce qui préside à l'existence d'un embryon". "S'il y a un désir d'enfant, bien sûr, nous sommes les premiers à tout faire, et nous l'avons d'ailleurs démontré, pour que ça marche. Cependant, il existe des embryons qui n'ont pas de destinée parentale au sens de devenir des enfants" et qui vont "de toute façon, être détruits". Pour le Pr. Frydman, le débat ne porte donc "pas tant sur la destruction d'embryons qu'on ne peut pas garder ad vitam eternam" mais sur "la connaissance qu'on pourrait tirer de cette destruction."
"Pas un matériau comme les autres". Beaucoup d'opposants estiment toutefois que ces recherches posent de sérieux problèmes d'éthique. "L'embryon n'est pas un matériau comme les autres", explique ainsi au micro d'Europe 1 le député UMP Philippe Gosselin, l'un des plus fervents opposants au projet. "Il y a des éléments philosophiques, éthiques, religieux même", détaille-t-il.
Selon lui, la loi sur la bioéthique de 2011, qui permet aux scientifiques à l'heure actuelle d'obtenir des dérogations pour leurs travaux, est bien suffisante. "A partir du moment où la recherche peut avancer, pourquoi vouloir à tout prix casser l'éthique ?", s'interroge Philippe Gosselin.
"Depuis des siècles, ce débat existe : quand commence la personne humaine ?", note de son côté le Pr. Frydman. Celui-ci appelle à plus de "cohérence" : "Nous sommes dans un pays qui a autorisé d'une part l'avortement, d'autre part qui a une vision progressive de la constitution de la personne humaine. Vous ne pouvez pas considérer qu'un embyron qui a un potentiel de développement est la même chose que la naissance d'un enfant ou un adulte." Interrogé sur la position de Mgr Vingt-Trois qui estime qu'avec la recherche sur les cellules souches, "'on considère que l'embryon n'est rien", le Pr. Frydman réplique que pour lui, "l'embryon est tout".
A quoi sert cette loi ? Pour les scientifiques, le projet débattu cette semaine présente plusieurs intérêts. D'abord, c'est un symbole important : il ferait passer la recherche embryonnaire d'un régime d'interdit à un régime d'autorisation.
Et puis ce détail change tout : aujourd'hui, les autorisations exceptionnelles qui sont délivrées peuvent être attaquées en justice, ce qui met à chaque fois un coup d'arrêt aux programmes d'étude. Le Pr. Frydman évoque une "insécurité juridique"
alors que quinze projets de recherche en cours font l'objet de procès vis-à-vis des chercheurs et de l'agence de la biomédecine. Cette entrave pourrait donc bien sauter avec cette nouvelle loi.