A Calais, la réputation de la CFDT maritime SeaFrance est sulfureuse. Alors que le syndicat majoritaire de l'entreprise a rejeté mercredi les propositions de Nicolas Sarkozy en vue de la création d'une Scop, certains n'hésitent pas à pointer du doigt les pratiques syndicales en place.
Plusieurs salariés non-syndiqués évoquent, sous couvert d'anonymat, les moyens d'intimidations, parfois violents, employés par les leaders syndicaux. "J'ai des enfants, une famille, je ne veux pas retrouver ma maison en feu", a confié à Europe 1, un employé de SeaFrance.
"La démocratie n'existe pas"
Les exemples sont nombreux : une voiture vandalisée devant le domicile d'un salarié, des salariés victimes de harcèlement verbal ou d'agressions physiques. Certains leaders syndicaux ont d'ailleurs déjà été condamnés par la justice.
Concrètement, "un système CFDT" s'est progressivement installé au sein de l'entreprise. Et ce avec le consentement de la direction afin d'acheter la "paix sociale" au sein de l'entreprise. Dans un compte rendu de CE de 2009, la nouvelle direction de l'entreprise dénonce des pratiques douteuses comme celle de couvrir l'absence impromptue et injustifiée d'un salarié par un congé. Un rapport de la Cour des comptes avaient également pointé certains dysfonctionnements.
Xavier Yvon, au micro de Bruce Toussaint, dévoile les dessous de ce syndicat :
"Ils menacent de me tondre"
Des journalistes de Nord Littoral, le quotidien de Calais, ont enquêté pour collecter des preuves. Selon eux, des "passe-droits" étaient clairement mis en place au sein de l'entreprise.
"C'est la CFDT qui embauchait, c'est elle qui accordait les promotions, les congés. Il y avait même les congés négatifs ! On ne savait pas que cela existait. Certains salariés avaient le droit à 100 ou 120 jours de congés négatifs", raconte Philippe Hénon, le rédacteur en chef de Nord Littoral. Si on commence à en parler, c'est tout de suite des représailles, des menaces. On a encore reçu une lettre anonyme. Ils menacent de me tondre et de me promener sur les places publiques après la liquidation judiciaire", témoigne sur Europe 1, le journaliste.
"Un flingue sur la tempe"
La justice s'intéresse toujours aux pratiques syndicales de l'entreprise SeaFrance. Une enquête est en cours sur des vols à bord des ferries. Mais preuve d'un climat tendu, le dossier a été déplacé vers un autre tribunal. Les noms des deux principaux chefs de la CFDT y sont nommés : Eric Vercoutre et Didier Capelle. Leurs comptes en banques ont été épluchés par la police mais pour l'instant, leur implication n'est pas avérée.
Du côté de la CFDT, on dénonce un complot. Eric Vercoutre, représentant syndical CFDT, se défend de tout prosélytisme : "Je ne peux pas mettre un revolver sur la tempe de chaque salarié qui sont adhérents à la CFDT pour leur dire : fais comme je te dis. Ce n'est pas possible ça. On n'est pas des gourous." Et d'ajouter qu'aux dernières élections des représentants du personnel, il a remporté près de "80% des suffrages".
Toujours est-il que ce système était prédominant, voire hégémonique. Didier Capelle, l'autre dirigeant syndical de la CFDT, se vante d'avoir embauché plus de 500 personnes en neuf ans.