Il est appelé dès qu'un drame survient dans une entreprise. Le cabinet Technologia, expert dans la prévention des risques professionnels, a relancé mardi son appel à la création d'un observatoire des suicides, pour mieux recenser et prévenir ces actes, après une série de drames sur le réseau ferroviaire pendant le week-end. La SNCF a indiqué mardi avoir été confrontée à douze suicides en quatre jours.
"Dans les conditions dramatiques que vient de connaître la France ce week-end, le cabinet Technologia et le professeur (en médecine légale) Michel Debout se félicitent de la récente prise de conscience autour de leur campagne pour la création d'un observatoire des suicides et des conduites suicidaires en France", écrit le cabinet dans un communiqué.
"Rien sur l'impact du surendettement"
Selon Technologia, qui est notamment intervenu chez France Télécom, Renault ou Alstom après des vagues de suicides, "l'absence de données" en matière de suicide rend difficile la prévention sur ce point qui prend "une nouvelle ampleur" avec la crise. En effet, les chiffres du suicide, qu'on estime minorés d'environ 10% en raison d'une sous-déclaration des familles et des médecins, parviennent aujourd'hui avec un délai de deux ans à travers la collecte de données générale sur les décès de l'Inserm.
"Il n'est pas normal que nous n'avons rien sur l'impact du surendettement sur le suicide, sur la question de la précarité, des plans sociaux. Les statistiques remontent à trois ou quatre ans. Si on fait la comparaison avec la grippe H1N1, vous aviez à l'unité près, jour par jour, le nombre de décès liés à cette grippe. Aujourd'hui, la question des suicides, on ne sait pas", affirme Jean-Claude Delgenes, directeur général de Technologia, interviewé par Europe 1.
Le Conseil économique et social s'est saisi du dossier
Selon le cabinet, "ce sont pas moins de 4 millions de Français qui sont concernés plus ou moins directement par les 200.000 tentatives de suicides enregistrées chaque année", le nombre de suicides annuels étant d'environ 10.000. L'appel à créer un observatoire, relayé notamment sur le site observatoire suicides.fr, a été signé par plus de 2.000 personnes. Il a également reçu le soutien des confédérations syndicales CGC et Force ouvrière, du Centre des jeunes dirigeants (CJD) ou de l'Association nationale des DRH (ANDRH).
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s'est également saisi de la question de la prévention du suicide, tandis que le groupe communiste au Sénat vient de déposer un projet de résolution appelant à la création d'un observatoire des suicides, indique Technologia.
Une augmentation chez les 40-50 ans
Les 12 suicides dénombrés durant les trois jours du week-end constituent un chiffre "exceptionnel" selon la SNCF, alors qu'en moyenne sur l'année on compte "environ un suicide par jour" sur l'ensemble du réseau ferré français.
Pour les professionnels de santé, cette vague de suicides reflète la dureté de la crise économique et traduit une forme de protestation "pas forcément consciente", selon un médecin spécialiste du phénomène, le Pr Michel Debout. "Ces suicides ajoutés à d'autres" sont aussi en partie le reflet "de la situation de crise avec les menaces sur l'emploi, la pauvreté, le surendettement et un nombre croissant de personnes ayant du mal à faire face aux réalités de la vie", indique-t-il.
Le Pr Debout relève une "augmentation préoccupante" des suicides parmi les hommes âgés de 40 à 50 ans, tranche d'âge particulièrement concernée par le chômage, la précarité et les pressions professionnelles en tous genres.