Thuram : "le Noir est suspect"

Lilian Thuram livre son témoignage dans le premier épisode de la nouvelle saison de la web-série "Mon premier contrôle d'identité".
Lilian Thuram livre son témoignage dans le premier épisode de la nouvelle saison de la web-série "Mon premier contrôle d'identité". © Capture écran
  • Copié
Frédéric Frangeul , modifié à
Des personnalités, dont l’ex-footballeur, dénoncent les contrôles au faciès dans une web-série.

"Depuis 2011, on a propulsé le débat sur la scène nationale". Le collectif contre le contrôle au faciès lance lundi soir sa nouvelle campagne avec, en point d'orgue, une web-série d'une vingtaine d'épisodes où des personnalités de la société civile racontent leur premier contrôle d'identité. Parmi elles, des noms connus comme l’ex-footballeur Lilian Thuram, le chanteur Ridan ou la sénatrice écologiste Esther Benbassa. Avec un objectif : mettre un terme aux contrôles d’identité abusifs.

Le collectif relève en effet que, selon une étude du CNRS, les contrôles d'identité sont principalement subis par ceux qui sont perçus comme "jeunes", "noirs" ou "arabes". Pour les personnes noires, les contrôles d'identités sont six fois plus nombreux que pour les blancs. Ce taux est encore plus élevé pour les gens de type maghrébin, qui sont eux huit fois plus contrôlés que les blancs.

Le teaser de la nouvelle saison de Mon 1er contrôle d'identité :

Lilian Thuram contrôlé en gare du Nord

C’est l’ancien champion du monde 98 Lilian Thuram qui livre son témoignage dans le premier épisode de la série. Il évoque un contrôle d’identité survenu à la gare de Lyon, à Paris, il y a une dizaine d’années. Le défenseur, qui joue alors sous les couleurs de la Juventus de Turin, se souvient avoir interpellé le policier en lui lançant : "pourquoi vous n'arrêtez que des personnes noires?".

Lilian Thuram va même jusqu’à suggérer au policier qui le contrôle de créer une file spécialement pour les Noirs, "comme ça on saura et on passera là avec nos papiers d'identité, ce sera plus simple", ironise-t-il. Quand le policier s'aperçoit qu’il a affaire à l’ancien champion du monde de football, il écourte le contrôle. Le joueur fait alors cette réponse à la personne qui l'accompagne : "Pourquoi ils nous contrôlent, parce que le noir est suspect, voilà".

Regardez l'intégralité du témoignage de Lilian Thuram :

"C’est quelque chose qui blesse"

"Si je n'avais pas été Lilian Thuram, ça aurait été plus difficile de discuter avec le policier", assure l’ancien joueur, à l’origine de la fondation Education contre le racisme. "J'aurais peut-être eu peur que cela se finisse mal", ajoute-t-il. "C'est quelque chose qui interpelle et qui blesse parce qu'on a toujours l'impression d'être suspect de quelque chose", déplore Lilian Thuram, "il faut dénoncer cela".

L'an dernier, le concept avait connu un véritable succès avec plus de 2 millions de visites sur Internet pour regarder les vidéos. A l’époque, des chanteurs de rap s’étaient prêtés au jeu de ces confidences. Parmi eux, La Fouine, Rim-K Sefyu ou Youssoupha. L’épisode avec le témoignage de Soprano, qui évoque un contrôle de police dans une rue de Marseille, a par exemple été vu plus de 100.000 fois.

Un numéro pour recenser les victimes

Pour faire cesser les contrôles abusifs, le collectif contre les contrôles au faciès incite donc les victimes à se faire connaître. Un numéro de téléphone est ainsi affiché à la fin de chaque épisode. Mis en place l’an dernier, il a déjà permis de recueillir près de 700 témoignages, qui ont conduit en avril dernier à une plainte collective de quinze personnes contre l'Etat.

"Cette deuxième saison reflète l’avancement de notre démarche", explique une membre du collectif à Europe1.fr. On vise désormais à interpeller les décideurs publics". Avec la volonté affichée de parvenir à une modification de la loi pour mieux encadrer les contrôles d’identité, en imposant le reçu après chaque contrôle.

"Lors de la campagne présidentielle, François Hollande s'était engagé à lutter contre les contrôles au faciès", rappelle Sihame Assbague, porte-parole du collectif, interrogé par Europe1.fr. "Il va falloir assumer", ajoute-t-elle. Avant de conclure : "c'est inadmissible, en France, en 2012, de persévérer sur la voie de la discrimination".