La défense d'Yvan Colonna a demandé jeudi à la cour d'assises spéciale de Paris, qui rejuge le berger corse pour l'assassinat en 1998 du préfet Claude Erignac, de ne pas "sacraliser" la parole de ses présumés complices et accusateurs, et de l'acquitter. Me Dupond-Moretti, réputé pour son nombre record d’acquittements, a tenté de mettre tout son pouvoir de persuasion au service d’Yvan Colonna.
Surnommé "acquitator"
L’avocat lillois est surnommé par ses confrères "acquitator", pour les nombreux acquittements qu'il a obtenus, ou encore "l’ogre des assises" en référence à son physique de barbu imposant. Il n’en fallait certainement pas moins pour tenter de faire acquitter Yvan Colonna, déjà condamné à deux reprises à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac.
Le ténor du barreau a commencé par parler de la peur qu’il avait que son travail ne soit qu’une formalité, dans l’histoire d’une condamnation annoncée. Puis l’avocat a repris la liste des intrigues policières, et des manœuvres qui entachent à ses yeux toute la procédure.
Des gardes à vue "illégales"
En l'absence d'éléments matériels, l'accusation repose en effet principalement sur les mises en cause de l'accusé par certains des six membres du commando condamnés en 2003 pour l'assassinat en 1998 du préfet, et par leurs épouses. Ces mises en cause avaient été faites lors de leurs gardes à vue en mai 1999, et réitérées devant un juge d'instruction. Tous ne s’étaient rétractés que des mois, voire des années plus tard.
Me Dupond-Moretti a donc insisté sur ces premières gardes à vue des membres du commando. Des gardes à vue qu’il a jugées "illégales". "Vous ne pouvez pas vous servir de ces gardes à vue comme preuve, a-t-il dit en regardant les juges dans les yeux, la loi vous l’interdit". Dénonçant les diverses "pressions" qui ont été exercées dans ce dossier, y compris de la part des politiques, Me Dupond-Moretti en a appelé à l'indépendance des magistrats. Demandant à la cour de se tourner vers Yvan Colonna, l’avocat a terminé par ces mots : "il faut que vous soyez assez courageux pour acquitter cet homme".
Plus tôt dans la journée, Me Pascal Garbarini avait lui aussi tenté de convaincre la cour de l’innocence du berger corse. "Je ne suis pas venu plaider pour un patriote corse (…) Je suis venu plaider pour l'homme Yvan Colonna, qui n'a rien à voir avec cette affaire, qui vit une tragédie", a-t-il dit.
Les plaidoiries de la défense doivent se poursuivre vendredi, le verdict étant attendu lundi. Le ministère public a requis mercredi la réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté.