A 75 ans, Zine el-Abidine Ben Ali est jugé à partir lundi par le tribunal de première instance de Tunis. Il s’agit de la première d'une série d'actions en justice intentées contre l'ancien homme fort de la Tunisie, son épouse Leila Trabelsi et leur entourage, depuis qu’il a été chassé du pouvoir par une révolte populaire le 14 janvier. Ben Ali, réfugié en Arabie Saoudite et qui est absent de son procès, est notamment accusé de complot contre la sécurité de l'Etat, homicide prémédité et trafic et usage de stupéfiants.
Une certaine confusion a précédé l'arrivée des magistrats dans la salle bondée et surchauffée de la chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis. Un homme qui criait sa colère a dû être évacué. Une cinquantaine de personnes étaient rassemblées devant le palais de justice, certaines favorables au procès, d'autres déplorant que l'ex-homme fort de la Tunisie, réfugié en Arabie saoudite depuis le 14 janvier, ne soit pas sur le banc des accusés.
Un report demandé
Ben Ali a "contesté vigoureusement" toutes les accusations portées contre lui et affirmé lundi dans un communiqué qu'il n'avait pas "abandonné" son poste de président de la République ou "pris la fuite", mais contraint au départ "par la ruse". Lors de l'audience, la défense a demandé le report du procès par contumace de l'ancien homme fort de la Tunisie.
Son avocat français, Me Jean-Yves Leborgne, a dénoncé la diabolisation qui est faite, selon lui, autour de son client.
"On accuse Ben Ali de tous les maux, de tous les crimes" :
"Je pense que le procès qui est instruit par les Tunisiens a pour finalité de faire croire qu’on est en train de juger un délinquant, voire un criminel", souligne l'avocat.
"Un comportement responsable"
Jean-Yves Leborgne a rencontré son client il y a un mois et demi dans son exil doré : le palace de Jedda mis à sa disposition par le Royaume d'Arabie Saoudite. Selon lui, Ben Ali s'est montré combattif. "En réalité, il a dans son comportement politique pris une décision qui est quand même tout à fait extraordinaire. Au bout de quatre semaines, il est parti. C’est un comportement responsable", fait encore valoir Jean-Yves Leborgne.
Un procès "précipité"
Beaucoup estiment ce procès insatisfaisant. Mais pas pour les mêmes raisons. Benjamin Stora, historien et professeur d'histoire du Magheb contemporain à l'université Paris XIII, juge que ce procès est trop précipité et ne permettra pas de connaître la vérité sur les 20 dernières années en Tunisie. "Cela sera très difficile de connaître la vérité, et de voir l'ex-président rendre des comptes au peuple car ce procès extrêmement rapide ne permettra pas de rentrer dans les arcanes du pouvoir", a-t-il commenté lundi sur Europe 1.
Quoi qu’il en soit, le procès de lundi n'est que le début d'un long processus dont la durée est encore indéterminée. Les autorités ont déjà annoncé que des dizaines de chefs d'accusation avaient été retenus contre l'ex-président et ses proches : 88 enquêtes sont actuellement en cours contre lui.