Ils ont osé dénoncer la corruption des douaniers et en paient le prix cher. Fernando Vidal, 70 ans, directeur de Radio Popular de Yacuiba dans le sud de la Bolivie et Karen Arce, technicienne du son, sont entre la vie et la mort. Alors qu’ils animaient une émission de radio en direct, quatre hommes cagoulés sont entrés dans studio, les ont aspergés d’essence et allumé le feu.
Des coups de feu, puis de l’essence
Le programme d'interviews portant sur les problèmes de contrebande dans la région et la corruption de douaniers serait à l’origine de l’attaque. L'incident a été suivi en direct par les auditeurs horrifiés, selon des proches du journaliste, qui ont indiqué que les auteurs de l'agression ont "d'abord tiré un coup de feu, puis déversé de l'essence et tout a brûlé". Les attaquants, dont trois ont été arrêtés, "voulaient tuer", a déclaré Juana Vidal, l'épouse du journaliste qui se trouve en soins intensifs.
L'attaque a été condamnée par les autorités boliviennes, qui ont annoncé "une enquête rapide et rigoureuse", selon le ministre de l'Intérieur Carlos Romero. Sur les réseaux sociaux l’émotion a été vive après la nouvelle de l’agression. De nombreux internautes ont témoigné leur soutien à Fernando Vidal et Karen Arce. "Mes pensées vont au directeur de radio Popular et à sa famille. #presse libre", écrit l’un d’eux sur Twitter. "Le village organise une marche de soutien à la liberté de la presse et aux victimes", annonce un autre.
La marcha es esta tarde a las 16:00 en el frontis de Radio Popular y se dirigirá hasta el comité cívico. #Yacuiba#AtentadoRadioPopular— Laura (@Lau_Esencia) October 30, 2012
La presse malmenée par Evo Morales
L'Association nationale de la presse a, pour sa part, déploré l'attaque et exprimé sa "préoccupation sur le manque de volonté pour éclaircir les faits de violence contre les médias et les journalistes". Selon elle, "cet attentat est le deuxième en quatre ans" dans cette zone de frontière avec l'Argentine, à quelque 700 km de La Paz, où une antenne de la télévision nationale avait été détruite à coup d'explosifs en 2008, des faits qui n'ont jamais été éclaircis.
Depuis Londres, Amnesty International a dénoncé l'attaque, "l'une des pires contre des journalistes en Bolivie ces dernières années" et exigé "une enquête indépendante et impartiale".
Cette attaque intervient alors que les directeurs de trois importants médias boliviens comparaissent devant la justice accusés d'avoir reproduit des propos polémiques tenus par le président Evo Morales sur les populations de l'est du pays. Il a déclaré pour sa part à maintes reprises que la presse constitue "l'opposition le plus virulente" contre son gouvernement.