Égypte : l'armée prête à "sacrifier son sang"

Des dizaines de milliers de personnes ont convergé mardi vers l'emblématique place Tahrir au Caire pour une nouvelle mobilisation contre le président.
Des dizaines de milliers de personnes ont convergé mardi vers l'emblématique place Tahrir au Caire pour une nouvelle mobilisation contre le président. © Reuters
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et Charles Carrasco avec agences , modifié à
L’ESSENTIEL - Le président Morsi a appelé l'armée à retirer son ultimatum, réaffirmant sa "légitimité".

L’INFO. A quelques heures de l'expiration de l'ultimatum adressée par l'armée, Mohamed Morsi a opposé un refus net aux demandes de l'opposition de le voir quitter le pouvoir. Dans une allocution télévisée mercredi soir, le président égyptien a déclaré que "le peuple [l'avait] choisi lors d'élections libres et équitables", ajoutant qu'il "continuerait à assumer la responsabilité" du pays. La "légitimité" est "la seule garantie contre l'effusion de sang", a-t-il ajouté.

Le président islamiste a également appelé l'armée à retirer son ultimatum. Celle-ci lui donne jusqu'à mercredi pour "satisfaire les demandes du peuple", faute de quoi il se verrait imposer par l'armée une solution à la crise. Quelques heures après l'allocution de Mohamed Morsi, le Conseil suprême des forces armées égyptiennes (CSFA) s'est dit prêt à "sacrifier [son] sang pour l'Égypte et son peuple, pour les défendre des terroristes, des radicaux ou des fous".

Des affrontements meurtriers. Partisans et opposants du président égyptien Mohamed Morsi sont à nouveau massivement descendus dans la rue dans la journée de mardi. Des dizaines de milliers de personnes ont convergé vers l'emblématique place Tahrir au Caire pour une nouvelle mobilisation contre le président. Près de l'université du Caire, seize personnes ont été tuées et 200 blessées dans l'attaque d'un rassemblement pro-Morsi, dans la nuit de mardi à mercredi. Auparavant, au moins sept personnes étaient mortes et des dizaines d'autres blessés dans des affrontements entre pro et anti-Morsi, dans le sud de la ville.

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ElBaradei désigné comme porte-parole de l'opposition. De son côté, l'opposition a désigné Mohammed ElBaradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), pour être sa "voix" et son négociateur vue d'une "transition politique". L'opposition a salué l'ultimatum de l'armée, y voyant un appui de poids dans sa volonté de pousser vers la sortie Mohamed Morsi, accusé de vouloir instaurer un régime autoritaire au profit du mouvement des Frères musulmans, la formation dont il est issu.

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Empêcher un coup d'État. Les partisans du chef de l'État insistent quant à eux sur la "légitimité" du premier président démocratiquement élu de l'histoire du pays. Un responsable des Frères musulmans a appelé à empêcher un coup d'État, au besoin par le "martyre", en rappelant le sang déjà versé pour obtenir la chute de l'ancien président Hosni Moubarak en 2011.

Un ultimatum rejeté. Lundi, l’armée a lancé un ultimatum au président islamiste Mohamed Morsi. Le message ? Si les "revendications du peuple" ne sont pas satisfaites d’ici mercredi, les forces armées "annonceront une feuille de route et des mesures pour superviser sa mise en œuvre". Dans la nuit, l’armée a pris soin de préciser qu’elle ne préparait pas de "coup" d'État. Mohamed Morsi a d'ores et déjà rejeté cet ultimatum, se posant en garant de la "réconciliation nationale" et de la "paix sociale".

L'armée égyptienne prévoit de suspendre la constitution et de dissoudre le parlement dominé par les islamistes si le président Mohamed Morsi et l'opposition libérale ne parviennent pas à un accord de partage du pouvoir avant l'expiration de son ultimatum mercredi, selon des sources militaires citées par Reuters.

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Le président lâché par des ministres. Le président issu des Frères musulmans doit aussi faire face à des défections au sein de son gouvernement. Dans la nuit, son ministre des Affaires étrangères a ainsi annoncé son départ. La veille, quatre autres ministres, dont celui du Tourisme, avaient déjà jeté l’éponge. Mardi, le porte-parole du président et celui du gouvernement ont également démissionné. Autre camouflet pour Mohamed Morsi : la justice a ordonné mardi la réintégration du procureur général qu’il avait limogé. Abdel Méguid Mahmoud, nommé sous Hosni Moubarak, va donc prendre la place de Talaat Abdallah, accusé d’être favorable aux Frères musulmans.

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Écouter la voix du peuple. Le président américain Barack Obama a invité à la "retenue", et a appelé Mohamed Morsi pour lui faire part de son inquiétude, tandis que son secrétaire d’État John Kerry a estimé que la démocratie n'impliquait "pas seulement des élections" mais signifiaient aussi "s'assurer que les voix des Égyptiens sont entendues". Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a appelé le chef de l’État égyptien "à écouter" son peuple, jugeant "très inquiétante" la situation.

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