Lorsqu’elle est à Paris, Shahinaz Abdel Salam est une jeune femme de 34 ans, ingénieur informatique dans un grand groupe finlandais. Personne ne se doute de cette autre vie qu’elle mène, loin de Paris, de l’autre côté de la Méditerranée. Car dès qu’elle pose les pieds sur sa terre natale, à Alexandrie ou au Caire, Shahinaz revêt son habit de blogueuse révolutionnaire.
Shahinaz Abdel salam, dans les locaux d'Europe 1.
"Ça a été la guerre avec ma famille"
Cette Egyptienne était parmi les premiers à manifester place Tahrir dans le centre du Caire pour demander le départ de Hosni Moubarak en 2010. Deux ans après le départ du président égyptien, elle continue à faire la révolution, sur le web et dans la rue.
"Ça a été la guerre avec ma famille qui ne voulait pas que je manifeste. Eux considéraient Moubarak comme le père de l’Egypte. Ca a été très dur, notamment avec mon père, militaire", confie-t-elle à Europe1.fr. "Mais Shahinaz a bravé les interdits familiaux en descendant dans la rue et en créant un blog, en arabe, "Une égyptienne" dans lequel elle dénonce l’oppression par le régime".
"On s’est dit qu’il fallait continuer la révolution"
"On a beaucoup espéré à partir 11 février 2011 [date du départ d’Egypte de Hosni Moubarak, NDLR]", confie la jeune femme. "Mais lorsqu’on a vu que c’était Morsi, un Frère Musulman, qui prenait la relève alors on s’est dit qu’il fallait continuer la révolution", ajoute-t-elle.
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Car si Hosni Moubarak n’est plus au pouvoir, "la torture, l’injustice et la violence" rythment toujours le quotidien des Egyptiens. "Nous attendons toujours que le ménage soit fait, notamment au sein du ministère de l’Intérieur, comme l’avait promis Morsi", explique Shahinaz. "Mais il ne fait rien, alors on continue à manifester", ajoute-t-elle.
"On veut que Morsi dégage"
Mais manifester dans l’Egypte de Morsi est bien plus risqué que dans l’Egypte de Moubarak prévient la jeune femme. "Ces Egyptiens qui craignaient tant de manifester en 2011 sont aujourd’hui dans la rue alors que le risque est bien plus élevé, parce qu’aujourd’hui l’armée tire à balles réelles", explique Shahinaz Abdel Salam. "Maintenant, la révolution est bien ancrée dans l’esprit des Egyptiens et la peur a été reléguée au second rang", souligne-t-elle, ajoutant : "on veut que Morsi dégage".
La jeune femme espère que son message et celui de ses compatriotes, qui sont allés manifester vendredi encore place Tahrir, sera entendu. "Même si l’Egypte dont je rêve n’est pas pour demain, je me dis que ce sera pour nos enfants, ou nos petits enfants ou même pour plus tard. Mais ça viendra", conclut la jeune femme.