Gilles Jacquier : le temps des soupçons

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avec Esther Leneman, Didier François et Catherine Boullay , modifié à
Un autre journaliste présent sur place estime que ce drame n'est pas "le fait du hasard".

L’émotion n’est pas encore retombée après le décès du journaliste Gilles Jacquier que, déjà, de lourdes questions se posent sur les circonstances de sa mort. Le journaliste de France 2 avait obtenu un visa officiel des autorités syriennes pour effectuer son reportage. L'un de ses confrères n'hésite pas à parler de "manipulation".

Gilles Jacquier, grand reporter chez France 2, a été tué mercredi à Homs, dans le centre de la Syrie. Ce dernier a été victime d’un tir d’obus ou de mortier qui est tombé en plein centre-ville, alors qu'il effectuait une sortie très encadrée au sein d'un groupe de journalistes.

"Je pense qu’on a été grandement manipulé"

"Nous étions à Homs dans le cadre d’un voyage autorisé par le gouvernement syrien, on nous avait promis une liberté de mouvement totale. Ensuite, on nous a emmenés dans un quartier normalement sécurisé, c’était très, très encadré", témoigne sur Europe 1 Jacques Duplessy, journaliste présent aux côtés de Gilles Jacquier lors du drame.

Les journalistes étaient donc localisés et se déplaçaient en plein-centre-ville, ce qui aurait normalement du permettre de réduire au maximum les risques. "Je pense qu’on a été grandement manipulé", accuse Jacques Duplessy, avant d’argumenter : "ce n’est pas du tout le fait du hasard, parce qu’après ces quatre obus, il n’y a eu plus rien, c’était terminé : pas d’attaque, pas de tir".

Les médias syriens (trop) réactifs ?

Autre élément qui reste à éclaircir : la très grande réactivité des médias syriens, qui se sont rapidement rendus sur place avec, chose rare, plusieurs caméras. "Il y avait la télévision syrienne partout, trois caméras. Ils ont tout filmé, en long, en large, en travers", raconte Jacques Duplessy.

Et les médias syriens d’accuser dans la foulée l’opposition d’être responsable de cette attaque, sans apporter la moindre preuve. "On peut se demander si ce n’est pas vraiment un piège, si ce n’est pas délibéré d’avoir attaqué des journalistes", estime Jacques Duplessy, avant de conclure, laconique : "évidemment, on n’en sait rien, on n’a aucune preuve".

Le contexte syrien alimente les soupçons

Thierry Thuillier, le directeur de l'Info de France Télévisions, a tenu à désamorcer cette polémique naissante.  "Imaginer une manipulation me paraît, à ce stade-là, vraiment prématuré", a-t-il estimé.

Mais le contexte syrien n’aide pas à dissiper le doute. D’abord parce qu’il est impossible de savoir qui a tiré l’obus ou le mortier qui a tué Gilles Jacquier. Ensuite parce qu’un voyage très encadré de journalistes dans un régime autoritaire suscite toujours de lourds soupçons de manipulation. Et enfin parce que la Syrie a souvent été accusé de laisser beaucoup de liberté à ses services secrets, notamment au Liban, renforçant un peu plus la méfiance.