La crise syrienne est en train de déstabiliser tout le Proche-Orient. La situation aux frontières, dont les points d'entrée sont disputés entre l'armée et les groupes rebelles, suscite l'inquiétude dans les pays voisins. Les rebelles contrôlent déjà un poste-frontière vital avec l'Irak, et trois avec la Turquie.
Dans le même temps, les voisins voient également affluer des milliers de réfugiés. Selon des chiffres du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), datant du 18 juillet, 120.000 syriens se trouvent en Jordanie, au Liban, en Turquie et en Irak.
Israël et la souveraineté du Golan. Depuis le début de la révolte syrienne en mars 2011, l'Etat hébreu est en alerte. Mais depuis quelques jours, Israël hausse le ton et s'inquiète des violations de son territoire. L'état hébreu a déposé une plainte dimanche auprès du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon pour l'infiltration de soldats syriens, la semaine dernière, dans une zone démilitarisée sur le plateau du Golan. Il s'agit d'une région conquise par Israël sur la Syrie durant la guerre de 1967 puis annexée par l'Etat hébreu. Cette zone démilitarisée, d'une largeur de 3 à 6 km, est sous la responsabilité de la Force des Nations unies chargée d'observer le dégagement sur le plateau du Golan (Fnuod). Elle comprend un millier de soldats venus de plusieurs pays chargés de contrôler l'application de l'accord de 1974. Selon le quotidien israélien Haaretz, quelque 500 soldats et 50 véhicules syriens ont franchi cette zone démilitarisée.
Cette plainte fait suite à un regain de tensions entre les deux pays. Ehud Barak, le Premier ministre, a prévenu qu'Israël ne tolérerait pas que des armes chimiques syriennes soient transférées sur le sol libanais entre les mains du parti chiite Hezbollah, allié du régime syrien de Bachar al-Assad. De son côté, le régime syrien affirme qu'il n'utilisera son arsenal d'armes chimiques qu'en cas d'"agression" des Occidentaux et a rejeté la proposition de la Ligue arabe de ménager un départ en toute sécurité du pouvoir de Bachar el-Assad.
La Turquie et la perte des postes frontières. Les rebelles se sont emparés de trois des sept postes-frontières syriens avec la Turquie, dont les deux principaux points de passage entre les deux pays, Bab al-Hawa et Al-Salama. Les manifestations et les heurts se multiplient depuis plusieurs jours. Dans le camp d'Öncüpinar en Turquie, face au poste-frontière syrien d'Al-Salama, la police turque a riposté avec des grenades lacrymogènes et des coups de matraques aux jets de pierre des manifestants syriens, protestant contre leurs conditions de vie. Des réfugiés assurent que deux manifestants ont été tués durant les heurts. Un responsable turc a indiqué qu'aucun mort ou blessé n'avait été confirmé, tout en admettant que "ces heurts étaient parmi les plus violents de ces derniers mois".
Interrogés, des responsables turcs ont refusé de commenter ces accusations, se contentant de souligner que la Turquie avait déjà dépensé 200 millions de dollars (165 millions d'euros) pour subvenir aux besoins des réfugiés. Par crainte de nouveaux débordements, Ankara a renforcé son dispositif le long de la frontière en déployant des batteries de missiles sol-air à Mardin (dans le sud-est) et a rappelé son consul à Alep, la deuxième ville de Syrie, où les affrontements font rage.
Le pays doit également faire face à un afflux massif de réfugiés. Selon les dernières estimations, il y aurait actuellement environ 40.000 Syriens dans les dix camps le long de la frontière.
L'Irak et la menace commerciale. Point de jonction avec la ville irakienne de Qaïm, le poste-frontière de Boukamal, conquis jeudi par l'Armée syrienne libre (ASL), est le centre névralgique des échanges entre les deux pays qui partagent une frontière longue de 600 km. Cette prise est un coup dur porté au régime de Bachar al-Assad, mais aussi à la circulation des marchandises car il s'agit d'un espace crucial pour l'économie des deux pays. La fermeture du poste-frontière par les forces irakiennes depuis jeudi est durement ressentie côté irakien qui bénéficiait de nourritures et de médicaments. L'Irak est l'un des premiers destinataires des produits syriens dans le monde arabe, représentant 15% du total des exportations syriennes
Bien que relativement épargnées par la violence, les provinces kurdes de Syrie voient éaglement s'enfuir des milliers d'habitants vers le Kurdistan irakien. Ils seraient environ 7.000 à s'y être installés, où les autorités locales et les agences humanitaires ont installé un camp de réfugiés. Alors que la répression fait rage, les Kurdes syriens, au nombre d'un million sur une population totale de 21 millions, espèrent que cette "crise" pourra leur permettre d'obtenir des droits similaires à ceux du modèle irakien. D'autant que le Conseil national syrien (CNS), qui regroupe l'opposition, est dirigé depuis juin par un Kurde, Abdelbasset Sida.
Le Liban et les violations du territoire. Pour la première fois Beyrouth proteste officiellement auprès de Damas, ancienne puissance de tutelle pendant 30 ans au Liban, depuis le retrait des troupes syriennes du pays en 2005. Lundi, le président libanais Michel Sleimane s'est plaint des violations de son territoire. Une source de sécurité a affirmé que des "inconnus du côté syrien se sont infiltrés dimanche en territoire libanais dans la région (...) de Qaa et ont fait exploser la maison de Jamal Ghadada, à cheval entre la Syrie et le Liban, après l'avoir minée".
Les accrochages, parfois meurtriers, et les tirs d'obus quasi-quotidiens à partir de la Syrie sur le territoire libanais se sont multipliés au cours des dernières semaines à la frontière nord et est du Liban. Au début du mois, des tirs syriens à la frontière avaient tué deux fillettes et blessé plusieurs personnes dans le nord du Liban. Les réfugiés arrivent également en masse. Jusqu'à 30.000 Syriens ont fui au Liban durant les derniers jours, selon la porte-parole du Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU.