"Nous sommes tous pour l'indépendance de l'Azawad, nous acceptons tous l'islam comme religion. Le Coran et la Sunna (paroles et actions du prophète Mahomet rapportées par la tradition) sont la source du droit." Ces mots peu ambigus ont été écrits de concert dans un document rendu public samedi, par la rébellion touareg et le mouvement islamiste Ansar Dine, deux des groupes qui contrôlent le nord du Mali depuis près de deux mois. Ils ont annoncé samedi leur fusion et proclamé un "État islamique" dans la région.
"Allah a gagné", s'est tout de suite réjoui le porte-parole d'Ansar Dine à Tombouctou, Sanda ould Boumama, en commentant ce "protocole d'accord".
Cette fusion arrive après plusieurs semaines de discussions parfois difficiles entre les deux mouvements. Peu de choses semblaient rapprocher les deux groupes, longtemps séparés par leurs objectifs et leurs idéologies.
"Imposer graduellement la charia"
Le MNLA, Mouvement national de libération de l'Azawad, qui affichait une idéologie laïque, avait lancé mi-janvier l'offensive contre l'armée malienne dans le but de donner son indépendance à la région. Ansar Dine, "Défenseur de l'islam" en arabe, s'était joint aux combats quelques semaines plus tard, prônant de son côté l'imposition de la charia (loi islamique) dans tout le Mali. Ansar Dine, dirigé par l'ex-chef rebelle touareg Iyad Ag Ghaly, a ensuite été appuyé sur le terrain par les jihadistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Mais à eux deux, Ansar Dine et Aqmi sont devenus dominants - aux dépens du MNLA - dans le Nord, tombé entièrement aux mains des groupes armés. La fusion entre islamistes et touaregs intervient alors que les principaux responsables d'Ansar Dine et d'Aqmi sont réunis depuis jeudi à Tombouctou, pour évoquer leurs relations futures. Moins puissants, il semblerait que les touaregs aient préféré l'accord à la confrontation, aux dépens de leurs valeurs laïques.
Le président de transition "va bien"
"Le gouvernement du Mali rejette catégoriquement toute idée de création d'un Etat de l'Azawad, encore plus d'un Etat islamique", a réagi le ministre malien de la Communication et porte-parole du gouvernement, Hamadoun Touré. "Même si c'est la création d'un Etat sur papier, et non dans les faits, nous prenons les devants pour dire que le Mali est un pays laïc, qui restera laïc", a-t-il ajouté.
"La médiation salue toute dynamique allant vers la cohésion entre les différents mouvements armés, l'essentiel étant que ce groupe (choisisse) l'option d'une solution négociée au conflit", a indiqué le ministre burkinabè des Affaires étrangères, dont le pays conduit la médiation au nom de l'Afrique de l'Ouest. "En plus de cette cohésion, la médiation souhaite que non seulement (les groupes fusionnés) aillent vers la solution négociée, mais qu'ils préservent l'intégrité territoriale du Mali et qu'ils abandonnent la terreur et le terrorisme comme moyens d'action", a-t-il poursuivi.
L’Algérie a également réagi, par la voix de son ministre des affaires étrangère. "Le règlement de la question du Nord pourra se faire à travers l'organisation d'un dialogue avec les rebelles pour la prise en compte de leurs revendications légitimes, la prise en charge de la question humanitaire et la lutte contre le terrorisme et le crime organisé" a déclaré le ministre algérien délégué aux Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, tout en insistant sur "la préservation de l’intégrité territoriale et la souveraineté du Mali."