Ce n'est désormais plus une crainte mais bien une réalité. Le conflit syrien entre partisan du président Assad et rebelles est en train de contaminer le Liban voisin. Huit personnes ont été tuées et 78 autres blessées vendredi dans un attentat à la voiture piégée qui a secoué Beyrouth. Le chef des renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI), Wissam al-Hassan a également été tué. C'était un proche de Saad Hariri, chef de l'opposition libanaise, hostile au régime de Damas.
Comment expliquer cette résurgence de la violence au Liban ? Europe1.fr a posé la question à Frédéric Encel*, géopolitologue et maître de conférences à Sciences-Po Paris.
L'explosion s'est produite à proximité les locaux des Phalanges chrétiennes. L'opposition dénonce un attentat politique. Est-ce le cas ? Oui. Nous sommes dans une rivalité de pouvoirs qui n'est pas nouvelle mais qui a repris avec la crise syrienne. Il y a une mosaïque confessionnelle au Liban, comme en Syrie. L'attentat a eu lieu dans un quartier de chrétiens conservateurs, l'un des bastions des phalangistes dans les années 70 et 80. Ils sont très défavorables à Bachar al-Assad et sont opposés à la coalition gouvernementale libanaise actuelle dominée par les chiites et le Hezbollah.
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Il n'y avait pas eu d'attentat depuis quatre ans à Beyrouth. Faut-il y percevoir l'ombre de la Syrie ? Oui il peut s'agir d'un coup porté par la Syrie mais en ce moment, le régime a d'autres chats à fouetter. Cela peut être l'œuvre du Hezbollah, le parti chiite libanais, qui craint actuellement de perdre son principal soutien dans la région : Bachar al-Assad. Malgré un retrait formel des soldats, la Syrie a toujours conservé une influence économique, diplomatique et démographique au Liban via le Hezbollah et ses réseaux clientélistes.
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Faut-il craindre une nouvelle guerre civile ? En ce moment, nous avons une opposition sunnite et une majorité de chrétiens qui relèvent la tête au Liban en voyant le président Assad affaibli. Il y a déjà eu des confrontations dans le nord du Liban, à Tripoli, entre sunnites et alaouites, une minorité favorable au président syrien. Il y a clairement un risque d'embrasement. La Syrie actuellement offre toutes les conditions d'une reprise d'une nouvelle guerre civile au Liban.
* Comprendre la géopolitique, Seuil, 2011.