L'INFO. Les proviseurs des deux lycées français ne sont pas en odeur de sainteté à Doha, la capitale du Qatar. En l'espace de deux ans, plusieurs chefs d’établissements français ont dû faire leurs valises… précipitamment. Dernier en date : le proviseur du lycée français Bonaparte est parti début septembre, révélait Mediapart. En cause ? Des tensions avec les autorités locales, avec en arrière-plan, la contestation de certains enseignements au nom de l'islam.
Parler d'autres religions est impossible. Le parcours des trois proviseurs au cours des deux dernières années est édifiant : l'un a dû démissionner, un autre a été évincé tandis qu'un troisième a carrément dû être exfiltré. Jean-Pierre Brosse, joint par Europe 1, a lui choisi de quitter ses fonctions en 2011, alors qu'il était le proviseur du lycée Voltaire de Doha depuis sa création, quatre ans plus tôt. Remplir sa mission était devenue trop difficile : "si vous avez un programme d'histoire de la chrétienté, c'est impossible. On ne pouvait même pas montrer une gravure d'une cathédrale ou d'une église… Pour eux, on ne peut pas dire à un enfant qatari qu'il y a d'autres religions que l'islam avant 18 ans".
Mais d'autres enseignements posaient problèmes, comme la biologie ou l'éducation à la sexualité. "Si on parle du vin, même si vous avez juste un tableau de maîtres avec une bouteille de vin ou des verres, c'est interdit", assure Jean-Pierre Brosse. "Il faut aller exactement comme eux souhaitent et ça, ce n'est pas possible", déplore l'ancien proviseur qui a donc renoncé à ses fonctions.
Des accusations de pédophilie. Son successeur, Franck Choinard, jugé plus conciliant, n’a pas tenu un an face à la censure. Il a plié bagages en 2012 lorsqu’on l’a accusé de pédophilie. "Une affaire montée de toute pièce, c’est facile", ironise de son côté un diplomate familier du lycée car le procureur général du Qatar, équivalent du ministre de la Justice, fait partie de la direction de l’établissement. Les dépôts de plaintes sont d'ailleurs souvent à l’origine des fins de contrats.
Une attitude anti-musulmane. En septembre dernier, quelques jours après la rentrée, le dernier proviseur de cette série noire, Hafid Adnani est poursuivi pour attitude "anti-musulmane" par une employée locale mécontente qu’on lui demande ses diplômes. Il a fallu l’intervention de l’ambassade de France pour que l’enseignant ait le temps de prendre l’avion sans passer par la case prison, tout en laissant sa famille sur place. Le Quai d'Orsay a confirmé à l'Agence France Presse le retour en France de ce proviseur, présenté comme "une solution de compromis" à la suite "d'un différend avec une employée". Ce compromis, trouvé "pour que la situation ne s'envenime pas", a été accepté par l'intéressé, précise le Quai d'Orsay, dans son langage diplomatique. La gestion du lycée Voltaire est maintenant directement assurée par le Qatar.