L’INFO. Pour le président chinois, ces révélations tombent mal. Xi Jinping avait en effet promis dès son investiture, en mars 2013, de prendre à bras-le-corps le problème de la corruption qui gangrène la Chine. Mais une enquête publiée mercredi dans Le Monde montre que dans les hautes sphères de la société chinoise, on n’hésite pas à dissimuler des fortunes dans des paradis fiscaux. Y compris chez les proches de celui que la presse surnomme "Oncle Xi". Zoom sur trois cas qui lèvent le voile sur le sujet tabou de la richesse et de la corruption des élites politiques chinoises.
L’encombrant beau-frère. Les informations publiées par Le Monde proviennent du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), un groupe basé à Washington, déjà à l’origine de révélations sur le scandale fiscal planétaire des "offshore leaks". L’ICIJ met notamment en cause Deng Jiagui, le mari de la sœur aînée du chef de l’État chinois. Le beau-frère de Xi Jinping a démarré sa carrière dans l’industrie du tabac avant de se tourner, avec succès, vers l’immobilier. Multimillionnaire, il possède actuellement de luxueux biens immobiliers à Hong Kong, Shenzhen et Pékin. Ainsi que 50% d’une société baptisée Excellence Effort Property Development, immatriculée aux îles Vierges britanniques, un paradis fiscal, selon l’ICIJ.
Les enfants de Wen Jiabao. Xi Jinping n’est pas le seul à être éclaboussé : son prédécesseur, Wen Jiabao, a lui aussi de quoi être embarrassé. Car pour un Premier ministre qui aimait cultiver l’image d’un grand-père, attentif aux problèmes des Chinois ordinaires, les révélations sur ses propres enfants font mauvais genre. Son fils, Wen Yunsong, homme d’affaires formé aux États-Unis, aurait monté aux îles Vierges britanniques une société dissoute en 2008, dont il était l’unique actionnaire. Quant à la fille de Wen Jiabao, Wen Ruchun, alias Lily Chang, son nom a été cité dans un scandale financier impliquant la banque d’affaires américaine JPMorgan Chase. L’établissement l’aurait engagée comme consultante, via sa société, Fullmark Consultants, et moyennant de juteux honoraires. Cette entreprise, basée aux îles Vierges britanniques et dirigée par son mari, aurait pu servir à dissimuler les liens entre la fille de Wen Jiabao et la banque américaine. Aux États-Unis, une enquête a été ouverte sur la politique de JPMorgan Chase, qui avait coutume d’embaucher des proches de "princes rouges", ces descendants de hauts dignitaires du Parti communiste chinois.
Le fils d’un"immortel". Moins connu, Fu Liang est le fils de Peng Zhen, l’un des huit "immortels" du Parti communiste chinois à avoir œuvré aux réformes économiques dans les années 80. Fu Liang, lui, a choisi de se lancer dans le secteur des loisirs après une carrière dans l’industrie ferroviaire. Il a investi dans des yacht-clubs et des terrains de golf en Chine. D’après l’ICIJ, cet homme aurait également géré cinq sociétés offshores aux îles Vierges, dont l’une aurait servi à acheter un hôtel aux Philippines.
Pékin proteste. A Pékin, les révélations de l’ICIJ ont été accueillies par des protestations. "Du point de vue d’un lecteur, la logique des articles concernés est difficile à comprendre. Cela ne peut qu’inciter à penser qu’il y a une intention derrière", a réagi un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Hasard du calendrier, mercredi se tenait à Pékin le procès de Xu Zhiyong, un éminent militant anti corruption, accusé de "rassemblement illégal visant à subvertir le pouvoir politique". Quant aux Chinois, ils n’ont sans doute pas entendu parler des révélations sur les proches de leurs dirigeants : le pays a connu mardi une vaste coupure d’Internet, sans que l’on sache si elle était liée ou non à la publication des articles.
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