Des prisonniers juifs, des soldats, des villes en ruines et même Hitler sur un quai de gare. C'est l'incroyable contenu d'un album photos qu'un Américain a apporté au quotidien The New York Times dans l'espoir de le faire évaluer. Seul problème, rien dans l'album ou sur les photos, malgré un autoportrait, ne permettait d'identifier l'auteur de ces clichés inédits. Le NYT s'est alors associé au magazine allemand Der Spiegel pour enquêter. Résultat : moins de 4 heures après leur appel à témoin sur le web, ils avaient un nom.
Un vieil album photos oublié
L'album photos en cuir vieilli ressemble à n'importe quel album ancien. Il dormait jusqu'à présent dans le grenier d'un Américain de 72 ans qui, malade et criblé de dettes, souhaitait le vendre un bon prix pour payer ses soins. Il faut dire que les clichés en noir et blanc datent de la Seconde guerre mondiale et ont sûrement de la valeur. Le vieil homme dit avoir obtenu l'album d'une connaissance, en reconnaissance d'une dette. Le donateur l'aurait lui-même reçu d'un immigré allemand pour qui il avait travaillé comme jardinier dans le New Jersey.
Ce sont donc 214 photos qui arrivent à la rédaction du New York Times. Des experts estiment que les clichés ont été pris à l'époque de l'Opération Barbarossa, soit il y a pile 70 ans. Le quotidien décide alors de demander de l'aide à ses confrères allemands du Spiegel. Ensemble, les deux journaux publient sur leurs blogs les photos et appellent les internautes à la rescousse.
Un nom sur un visage en moins de quatre heures
En moins de quatre heures, une historienne allemande les contacte et assure qu'il s'agit de Franz Krieger, un photojournaliste autrichien. Harriet Scharnberg, spécialiste de la propagande allemande, a reconnu les photos de cet homme qui avait participé au Reichs-Autozug Deutschland à l'été 1941. "A Minsk, il a pris en photo des prisonniers de guerre soviétiques, il a aussi visité le ghetto juif et photographié les pauvres gens qui y vivaient. Sur le chemin du retour à Berlin, il a pu photographier la rencontre entre Hitler et l'amiral Horthy à Marienburg", détaille-t-elle.
C'est en lisant un ouvrage d'un autre spécialiste, Peter Kramml, qu'Harriet Scharnberg a pu identifier l'auteur des clichés. Contacté par le NYT, il confirme l'analyse de l'historienne et précise que Franz Krieger était un jeune entrepreneur de Salzbourg. Passionné par le photojournalisme, il s'engage dans la SS dans les années 30 puis rejoint la Propagandakompanie, l'unité de propagande de l'armée allemande, en 1941. En août 1942, alors qu'il est redevenu simple soldat sur le front est à Stalingrad, il tombe malade et est évacué. Ce qui lui permet de réchapper de la grande bataille. Après la guerre, veuf - son épouse et son fils ont été tués en 1944 dans un bombardement de Salzburg - il abandonne la photographie et reprend les affaires.
Un dernier mystère
Reste un dernier mystère à éclaircir : comment ces photos se sont-elles retrouvées de l'autre côté de l'Atlantique, dans le New Jersey ? Selon Peter Kramml, c'est "probablement un soldat américain basé en Bavière qui les a rapportées aux Etats-Unis après 1945".