L'INFO. Chokri Belaïd est mort. Celui qui était l'un des leaders de l'opposition laïque en Tunisie a été abattu mercredi devant son domicile à Tunis avant de succomber à l'hôpital. "Chokri Belaïd a été assassiné aujourd'hui de quatre balles tirées dans la tête et dans la poitrine devant son domicile", a déclaré Ziad Lakhder, l'un des responsables du Front populaire. Le Premier ministre Hamadi Jebali, figure du parti islamiste Ennahda, parle lui de "trois balles tirées à bout portant par un homme portant un vêtement de type burnous, sorte de long manteau traditionnel en laine avec une capuche pointue". Coalition de gauche, son parti est l'un des principaux adversaires politiques du gouvernement mené par les islamistes d'Ennahda, vainqueurs des élections législatives.
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Une figure de gauche. Chokri Belaïd, 48 ans, était avocat de formation, rappelle Jeune Afrique, spécialisé en défense des droits de l'Homme. Il était secrétaire général du Mouvement des patriotes démocrates (Al Watad en arabe), l'un des douze partis de gauche regroupés au sein du Front populaire, coalition créée en octobre. Selon Direct info, un site internet tunisien, son parti, qui "se proclame de la mouvance marxiste-léniniste", opérait "dans la clandestinité" jusqu'au 14 janvier, lorsque le mouvement a obtenu son visa légal. A travers lui, Chokri Belaïd militait "pour un régime parlementaire (...) et contre l'exploitation des classes laborieuses".
Ses proches accusent. Basma Belaïd, sa femme, "accuse directement, clairement, l'équipe qui gouverne". "Tout le pays le sait", a-t-elle expliqué sur Europe 1.
Morad, un de ses voisins se rappelle aussi des menaces qu'il recevait. "Il y a trois ou quatre mois, il était accompagné d'un garde du corps parce qu'il avait reçu des menaces. Elles n'étaient pas signées, mais des connotations indiquent qu'il s'agit d'islamistes radicaux".
Manifestations dans plusieurs villes. Un millier personnes manifestent devant le ministère de l'Intérieur pour dénoncer ce meurtre. Une autre foule s'est rassemblée devant l'hôpital du quartier Ennasr de Tunis, où se trouve la dépouille de Belaïd. Les personnes réunies crient leur colère et accusent Ennahda en scandant : "Le peuple veut une nouvelle révolution". Des locaux du parti au pouvoir ont d'ailleurs été attaqués à Mezzouna, près de Sidi Bouzid, et à Gafsa, dans le centre du pays. D'autres manifestations ont été signalées ailleurs dans le pays, à Béja, Bizerte et Kasserine. A Sidi Bouzid, la police a tiré des gaz lacrymogènes sur quelque 200 manifestants qui tentaient de prendre d'assaut le siège de la police à Sidi Bouzid, berceau de la révolte de 2011.
Sur Twitter, @WelidNaffati publie des photos prises, selon lui, dans la foule à Tunis :
La foule commence a bouger en direction du ministere de l'interieur twitter.com/WelidNaffati/s…— Welid Naffati (@WelidNaffati) February 6, 2013
Le Premier ministre dénonce un "acte de terrorisme". Hamadi Jebali, le Premier ministre tunisien et lui-même figure d'Ennahda, a dénoncé un "acte criminel". "C'est un acte de terrorisme pas seulement contre Belaïd mais contre toute la Tunisie", a-t-il dit à la radio Mosaïque FM, promettant de tout faire pour que le tueur soit arrêté rapidement. Le meurtre de Belaïd est un assassinat politique et l'assassinat de la révolution tunisienne. En le tuant, ils ont voulu le faire taire", a-t-il ajouté.
"Ennahda est innocent". Rached Ghannouchi, chef de fil du parti islamiste, a tenu à défendre Ennahda, cité comme le commanditaire du meurtre par les proches de Belaïd. "Les laïques mobilisent contre nous après la mort de Chokri Belaïd (...) Le résultat, c'est que les sièges de notre parti dans plusieurs villes ont été attaqués et incendiés", a-t-il dit. "Le parti Ennahda est totalement innocent de l'assassinat de Belaïd. Les seuls à qui profite cet assassinat, ce sont les ennemis de la révolution".