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SAISON 2013 - 2014, modifié à

Retrouvez en intégralité l'interview exclusive du Premier ministre Jean-Marc Ayrault par Jean-Pierre Elkabbach et Thomas Sotto.

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

VERBATIM :

Vous avez eu l'autorisation de parler, de la part du Président de la République ?

"(Rires.) Vous avez le sens de l'humour mais vous n'êtes pas Nicolas Canteloup, vous êtes Jean-Pierre Elkabbach ! Ce n'est pas une question sérieuse. C'est une question qui est une évidence. Non seulement je n'ai pas besoin de demander l'autorisation du Président, mais mon devoir c'est d'expliquer la politique du gouvernement. Je ne le fais pas qu'à Europe 1, je le fais dans le pays, je me déplace toutes les semaines dans toutes les régions de France."

 

Pourquoi avez-vous tant de mal à redonner confiance, espoir et moral aux Français malgré vos efforts ?

"Mais parce que la situation est très difficile, celle dont nous sommes partis, vous le savez très bien. Il y a les comptes publics, la France connait des déficits très importants, il fallait les réduire, c'est une question d'indépendance si on veut retrouver des marges de manœuvre ! Nous les avons retrouvées, nous avons demandé des efforts aux Français mais ils sont utiles. Et en même temps, remettre en marche notre appareil économique : il faut engager un certain nombre de réformes comme la formation professionnelle, l'éducation, les retraites. Nous le faisons ! Mais il y a un objectif très clair fixé par le Président : renverser, inverser la courbe de chômage d'ici la fin de l'année. Nous allons y arriver ! Parce que je crois que la politique que nous faisons est bonne !"

 

Vous y arrivez pour décembre ou cet hiver va annoncer un bon printemps ?

"C'est tout à fait juste ce que vous dites : ce qui est important, c'est que ce soit durable ! Il y a notre politique volontariste avec les emplois d'avenir, les emplois aidés, tout le monde disait : "Ils ne vont pas y arriver !" Les 100.000 prévus, on les atteindra à la fin de l'année. Mais il y a aussi la situation des entreprises ! Les indicateurs de l'INSEE montrent qu'il y a un changement, le moral des ménages, des chefs d'entreprises, s'améliore. Il y a encore du travail à faire, mais les mesures prises par le gouvernement... J'en prends une : le crédit d'impôt compétitivité emploi ! Ca fait presque un an que je l'ai annoncé après le rapport Gallois ! C'est la baisse du coût du travail, parce qu'on parle de tout mais on ne parle pas de ça ! C'est concret, ça a permis de créer 15.000 emplois, c'est l'INSEE qui le dit ! Moi, ce que je veux, c'est que notre économie aille mieux, elle va mieux, le FMI vient de sortir ses prévisions !"

Vidéos disponibles sur Europe1.fr

http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/L-interview-de-Jean-Pierre-Elkabbach/

 

C'est pas très bon pour les Etats-Unis mais plutôt pas mauvais avec une baisse de la croissance mondiale...

"Ne voyons pas toujours les choses dans le mauvais sens ! On avait prévu pour 2013 une croissance négative ! Elle sera positive ! Elle sera de 0,2% selon le FMI. Et autour de 1% en 2014 ! Comme dans le reste de l'Europe, la reprise est en marche ! Tout ce qui doit être fait y compris au niveau du budget, de la fiscalité, doit consolider la croissance et l'emploi ! Je le porte en moi parce que j'y crois !"

Il faut le faire croire aux Français...

"Les Français y croiront quand ils verront le résultat ! C'est normal ! Quand dans une région une entreprise ferme, le moral tombe. Mais quand dans une région la courbe du chômage s'est déjà inversée, car des régions sont en avance, je peux vous dire que l'ambiance n'est pas la même !"

 

Confirmez-vous que les impôts rentrent moins vite et moins bien que prévu ?

"Ce n'est pas parce qu'un journal l'écrit début octobre qu'on va en tirer une conclusion ! C'est à la fin de l'année que nous verrons la réalité !"

Le Parlement est saisi du budget 2014, on ne sait pas à quoi il ressemble, il change assez souvent...

"Non, il ne change pas..."

Il y a une impression de bougeotte fiscale...

"Il y a une stabilité des prélèvements obligatoires pour 2014, elle sera totale pour 2015... C'est un engagement qui a été pris, il sera tenu."

Vous confirmez que dans l'avenir vous allez réduire les dépenses de l'Etat...

"Mais c'est déjà fait !"

Mais vous allez continuer...

"Absolument !"

 

Sécurité sociale, collectivités locales, plutôt que d'augmenter les impôts...

"C'est ce qui a été dit depuis le début du quinquennat ! Nous avons demandé un effort aux Français pour rétablir la situation extrêmement dégradée, remettre de l'ordre, remettre la France à l'endroit ! C'est ce qui a été fait, c'est les Français qui ont permis de le faire avec des mesures de justice fiscale ! L'effort est partagé par tous, maintenant c'est les économies !"

Votre gouvernement a renoncé à l'EBE...

"Excusez-moi Jean-Pierre Elkabbach, mais ce que vous dites est incompréhensible. L'EBE, personne ne sait ce que c'est ! A part vous et moi peut-être..."

Qu'est-ce qui vous met en colère ce matin ?

"Je ne suis pas en colère ! Je mets de la clarté ! Ce que nous avons décidé de faire pour 2014 dans le budget, c'est la poursuite de la baisse du coût du travail !"

En moins de 15 jours, vous avez fait un revirement... On ne résiste peut-être pas aux menaces ou au charme du MEDEF, vous avez évolué, changé...

"Non. La politique que nous menons est pro-croissance. La baisse du coût du travail annoncée il y a un an est effective. L'INSEE vient de sortir ses premiers chiffres : les premières mesures de baisse du coût du travail ont un effet sur la création d'emplois, 15.000 emplois créés grâce au CICE ! C'est concret ! Le coût du travail ne va pas augmenter en 2014, c'est important ! Les charges des entreprises ne vont pas augmenter !  Ce n'est pas parce qu'il y a une demande faite aux plus grosses entreprises Françaises de contribuer avec une surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, mais que les grandes entreprises ! Les PME, les très petites entreprises sont préservées... La TVA sur les travaux de rénovation va être réduite au taux le plus bas, c'est du concret, c'est pour l'investissement, c'est pour l'emploi..."

 

Vous ne doutez jamais...

"Je dis la vérité !"

Vous affirmez avec une grande satisfaction...

"Ce n'est pas la satisfaction ! La satisfaction, c'est quand nous aurons les résultats les meilleurs sur la situation du chômage, l'objectif est de renverser la courbe d'ici la fin de l'année, nous allons y parvenir !"

 

Alcatel annonce la suppression de 900 postes en France, projet excessif dit Arnaud Montebourg, François Hollande veut réduire le plus possible l'ampleur des suppressions d'emploi... Comment s'y prend t-on ?

"On demande qu'il y ait une négociation au sein de l'entreprise pour sauver le maximum d'emplois, sauver le maximum de sites. La loi qui a été votée au début de l'année, la sécurisation des parcours professionnels, donne de nouveaux droits aux salariés pour négocier. S'il n'y a pas d'accord majoritaire, et donc là l'objectif est de réduire le nombre de suppression d'emplois, de fermetures de sites... S'il n'y a pas d'accord, le plan social ne sera pas agréé : maintenant la loi donne à l'Etat la possibilité de le faire ! Ce que je demande ici ce matin, comme je l'ai fait hier, c'est que ce projet de la direction d'Alcatel soit revu ! On nous dit que c'est le plan de la dernière chance ! Depuis la fusion Alcatel-Lucent, c'est le sixième plan ! C'était toujours le plan de la dernière chance !"

 

Pourquoi dites-vous réduire et pas supprimer ?

"Jean-Pierre Elkabbach, je dois dire, malheureusement, que ce groupe qui a été très mal géré et qui se trouve dans un secteur, le numérique, qui en Europe connait malheureusement une absence de règles, où l'Europe ne sait pas se protéger, c'est un groupe qui connait de vraies difficultés économiques. Je vois la réalité en face !"

A chaque fois l'Etat doit venir au secours d'entreprises gérées par des managers incapables ?

"Il ne s'agit pas de venir au secours mais de demander aux responsables de cette entreprise de revoir leur plan, de consolider une stratégie de redressement économique mais en même temps de faire en sorte que les salariés ne soient pas les seules variables d'ajustement car ça devient insupportable."

Sans quoi l'Etat va intervenir, pourrait intervenir ?

"Mais l'Etat intervient déjà ! Le CICE dont j'ai parlé, ces entreprises en bénéficient ! Le crédit impôt recherche, le groupe Alcatel en a bénéficié ! Donc il a des comptes à rendre à la Nation, aux Français !"

Les rythmes scolaires : faut-il continuer ? Nous dites-vous fermement que oui toutes les écoles passeront à la semaine de 4 jours et demi à la rentrée 2014 ?

 

"Oui, ça a toujours été dit ! Ca devait être fait en un an, c'est fait en deux ans..."

Ca ne marche pas très bien, il n'y a pas de délai ?

"Est-ce que vous pouvez voir aussi ce qui marche ? Parlons d'abord du problème de fond : c'est les rythmes d'apprentissage scolaire des enfants ! Ils étaient précédemment, avant la réforme du gouvernement de droite, de 4 jours et demi par semaine. Ils ont été réduits à quatre. On fait les mêmes programmes en 4 jours, 8 demi-journées ! C'est le changement de fond ! Tous les chrono biologistes, spécialistes, de droite et de gauche sont d'accord !"

Mais ça ne marche pas...

"Au lieu de faire les 24 heures de cours en 8 demi-journées, on les fait désormais en 9 demi-journées. Voilà ! Et ça dégage l'après-midi un peu de temps ! 3/4 d'heures la plupart des jours, 3 heures par semaines qui sont consacrées à des activités culturelles, sportives ou scientifiques."

Vous dites : on ne suspend pas, retarde pas, reporte pas...

"Non, mais on discute ! A deux niveaux ! Je rencontre cet après-midi l'association des maires de France, qui ont des problèmes financiers pour certaines communes car il y a un coût supplémentaire pour les communes qui organisent les activités périscolaires, donc je vais regarder les choses en face posément avec eux. La discussion doit se faire commune par commune parce que l'organisation se fait avec les maires, parfois les discussions et préparations étaient insuffisantes et il faut les compléter ! Au bout d'un mois, parce qu'une réforme difficile à faire, qu'on a quelques difficultés, il faut des ajustements : et bien on va les faire !"

Vous n'allez pas demander une mission d'information pour voir à l'échelle nationale si ça marche...

"Ca ne se pose pas à l'échelle nationale mais commune par commune."

 

Vous avez vu qu'avec le MEDEF vous avez changé très vite en 15 jours avec l'EBE...

"Mais pourquoi créez-vous toujours de la confusion ? Nous n'avons pas changé..."

Vous ne pouvez pas dire ça, on vous demande d'être clair. Dans certains cas vous cédez, et dans d'autres où il y a parents, enseignants qui se plaignent, vous dites qu'on ne change pas...

"Je viens de vous dire justement que c'est la méthode que je vais pratiquer ! D'abord avec les Maires de France, et puis commune par commune nous incitons les recteurs, les inspecteurs d'académie à aller sur le terrain, à discuter avec les maires, et voir comment les choses peuvent être améliorées, comment on peut mieux les aider pour organiser les nouveaux rythmes scolaires... Mais l'objectif est d'améliorer les conditions d'apprentissage des savoirs par les enfants dans des conditions améliorées, parce que l'objectif c'est la refondation de l'école, c'est la réussite des enfants pour tous ! C'est l'avenir de la Nation qui est en jeu, ça démarre à l'école primaire !"

La réforme pénale. Débattre de cette réforme était pas trop risqué avant les municipales ?

"Le calendrier parlementaire d'ici les municipales ne permet pas d'accumuler des lois après des lois ! Par contre, le Conseil des ministres va adopter ce projet..."

Pour réussir une telle réforme, il faut des moyens en personnel et en argent...

"Je les donne à Christiane Taubira ! Elle a annoncé elle-même que nous allons augmenter le nombre de conseillers qui suivent les personnes qui sortent les prisons, de 300 places dès 2014. Mais j'ai demandé, c'est mon exigence, que l'on réduise le nombre de dossiers suivi par chaque conseiller à 40 !"

 

Les syndicats disent qu'il en faudrait cinq fois plus...

"Nous allons créer à partir de 2015 1.000 postes supplémentaires. J'annonce ça ce matin, c'est très important. Alors là, nous atteindrons l'objectif de 40 dossiers, 40 personnes suivies. Le grand problème, et c'est l'objet de cette réforme, c'est d'éviter que les gens sortent de prison tous seuls dans la nature sans être suivis. On le reproche souvent, il y a de la récidive, c'est cette récidive qu'il faut à tout prix empêcher ! Ca passe par un suivi, c'est ce qu'on appelle les sorties sèches, pour ça il faut du personnel formé, spécialisé. Sinon, si on demande à quelqu'un qui est sorti de prison d'aller pointer une fois par semaine au commissariat de police, ça ne va pas changer grand chose."

"Quel est l'objectif de cette réforme ? C'est pas du laxisme... C'est ce que dit la droite ! C'est une politique de sécurité mais une politique qui marche ! Il n'y a pas l'opposition entre Justice et Police ! C'est la même chose ! Je peux donner un chiffre ? La droite, qui n'arrête pas de hurler, vous savez combien de lois elle a fait sur la réforme pénale en 10 ans ? 70 ! Pour quels résultats ? La récidive n'a fait qu'augmenter ! Nous voulons résoudre les problèmes de sécurité des Français, leur garantir la sécurité."

Les Français sont persuadés que les rôles, avec votre accord, sont répartis entre Manuel Valls et Christiane Taubira : l'un arrête les délinquants, l'autre les libère...

"C'est vous qui dites ça ou c'est la propagande ?"

A chaque fois qu'on vous critique, vous dites la propagande, la droite, avec un mépris... C'est ce qu'on entend dans la rue !

"Ce n'est pas parce qu'on l'entend dans la rue que c'est vrai... Comment voulez-vous que la sécurité des Français soit assurée s'il n'y a pas un bon fonctionnement en commun de la Justice et la Police... Sur le terrain, Manuel Valls était en province, à Forbach, hier. Il est allé voir une zone de sécurité prioritaire, nous en avons mis 60 en place, nous allons en mettre une centaine. C'est quoi ? C'est sur le terrain, là où vivent les gens, là où les problèmes de délinquance se posent, la coordination entre le Parquet, le procureur, la Justice donc, et la police, la gendarmerie. Et ça donne des résultats !"

Il était à Forbach, il va continuer. Lui en avez-vous donné la mission ?

"Non, ce que j'ai donné comme mission à chaque ministre..."

A lui ?

"Je vais vous répondre. Je le vois toutes les semaines, tous les lundis matins pour faire le point sur les dossiers de sécurité. Je lui ai demandé, comme à chaque ministre, d'aller sur le terrain. Et moi-même je le fais ! C'est ce qu'on appelle le Tour de France, pour présenter, défendre la politique du gouvernement mais aussi entraîner les Français, faire en sorte que le pays soit plus confiant, plus optimiste, se mobilise pour réussir ! Pas seulement sur les questions de sécurité, mais sur les questions économiques, sociales, environnementales..."

Il peut sortir de ses attributions, il a votre accord ?

"Chaque ministre a le devoir de défendre à la fois la politique de son ministère et la politique du gouvernement."

Dans Elle Man, Manuel Valls dit que les gens considèrent qu'il peut être Premier ministre. Sous la Vème, un ministre peut-il s'auto-désigner Premier ministre ?

"Vous savez bien que non ! Vous savez bien que c'est le Président qui garde la liberté d'appréciation, de décision, ce sont les institutions de la République... Heureusement. Les Français ont élu au suffrage universel un Président de la République. De tous ceux qui gouvernent, c'est le seul qui est élu par tous les Français, les autres sont élus par les Français dans leurs circonscriptions, moi comme député, c'est vrai pour d'autres, d'autres qui ne sont même pas parlementaires et qui sont au gouvernement. J'ai une éthique de la responsabilité : l'exemplarité. Nous avons une mission confiée par le Président de la République, par le peuple Français, remettre ce pays en marche, faire en sorte qu'il réussisse. J'ai confiance en notre capacité à changer les choses. Mais il faut persévérer et être toujours concentrés sur l'essentiel, notre mission et rien d'autre, le reste c'est l'écume des choses."

Quand on critique le manque d'autorité de l'exécutif, qui est visé ? Le Président ou vous ?

"Je ne rentre pas dans ce jeu-là, ce n'est pas ça qui est l'essentiel. L'essentiel, c'est de savoir si les réformes nécessaires au pays sont décidées et mises en œuvre. Cette nuit, Marisol Touraine défendait la réformes des retraites ! C'est courageux ! Nous sommes le premier gouvernement de gauche à faire une réforme des retraites, on nous a dit qu'on serait incapables de la faire, que tout le monde serait contre !"

Un article sur les 43 ans a été validé cette nuit...

"Nous faisons, nous agissons."

 

Il y a aussi Cécile Duflot. En août, elle déclarait : "Nous sommes en 2013 et une ministre ça agit, ça ouvre sa gueule et ça ne démissionne pas". Pourquoi les Verts qui vous doivent tout se croient-ils si forts et tout permis ?

"Tout permis... Quand j'entends la dernière phrase de Cécile Duflot, "Ca ne démissionne pas"... Ca veut dire qu'elle veut rester au gouvernement ! Pour y rester, il n'y a qu'une règle : faire la politique du gouvernement ! Sur tous les sujets, il n'y a qu'une ligne politique au gouvernement. Parfois ça coûte : certains ministres, pour des raisons de sensibilités personnelles ou de leur formation politique aimeraient peut-être que ce soit un peu différent, mais ils savent bien que ce qui est la règle de base dans un gouvernement c'est la solidarité avec la politique qui est menée, qui est décidée, qui est celle du Président, il n'y en a pas d'autres."

Les Verts envisagent des alliances locales avec le Parti de gauche...

"On verra bien ce qui sortira du congrès des écologistes en novembre. Je sais ce que c'est, les congrès ! Il y a toujours un peu de surenchère entre les différents courants. On verra ! Ce qui est important, c'est la cohérence. Quand on est dans la majorité, on y est, on n'est pas un pied dedans, un pied dehors, c'est simple."

Vous leur dites : "On n'est pas à la République des partis", même si chacun défend sa boutique aujourd'hui ?

"Vous savez bien que nous sommes dans la Vème République. Au Conseil Constitutionnel la semaine dernière, François Hollande a dit : "Je ne suis pas pour la VIème République", comme il a dit que la IVème République avait fait beaucoup de tort à la France... Donc, nous vivons avec ses institutions, il faut s'en servir !"

François Hollande a fait ce rappel en Conseil des ministres : attention, c'est la dernière fois. Le prochain fautif prend la porte ?

"'Je vous ai répondu, c'est clair. On ne peut pas être à la fois dedans et dehors. Il a rappelé qu'à l'intérieur du gouvernement, la liberté de parole est entière. Mais à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement, il n'y a qu'une seule parole qui est celle conforme à la politique décidée par le gouvernement."

Comment expliquez-vous que quand la gauche est au pouvoir, le FN prospère ? On l'a vu à Brignoles, c'est une drôle de coincidence...

"Je ne suis pas d'accord avec vous, ce n'est pas juste de dire ce que vous avez dit ! Le FN progresse aussi sous la droite, je vous le rappelle. Aux dernières élections présidentielles, il y avait un sortant qui s'appelle Nicolas Sarkozy ! Je vais vous dire : il ne faut pas courir derrière le Front National. Plus vous faites sauter les digues, et c'est ce qu'à fait Nicolas Sarkozy mais plus récemment de façon scandaleuse François Fillon uniquement pour des raisons de cynisme et d'opportunisme politique, parce qu'il pense que ça va le servir pour être désigné comme Jean-François Copé d'ailleurs pour la primaire de l'UMP, mais c'est la France dont il est question ! Donc on ne fait pas sauter les digues avec un parti qui n'est pas conforme aux valeurs de la République ! Qui a fait ça ? C'est l'UMP ! Qu'est-ce qui se passe quand l'UMP, quand François Fillon fait ça ? Les électeurs de l'UMP filent directement, comme ça s'est passé à Brignoles, vers le FN ! Voilà ce qui s'est passé !"

 

Il peut y avoir aussi des électeurs socialistes qui votent FN...

"Ca peut arriver ! Mais je pense que ces électeurs, quand ils expriment un mécontentement, c'est davantage l'abstention... Personne ne profite de leurs mécontentements, de leurs doutes. Ce n'est pas l'extrême gauche, pas l'extrême droite ! L'extrême droite, c'est un problème pour l'UMP ! J'avais demandé à la Rochelle à Jean-François Copé et François Fillon de clarifier leurs relations avec le Front National, de rappeler les digues ! Ils les ont rompues, ils en paieront les conséquences ! Mais le risque c'est pour la France..."

Thierry Mandon disait sur Europe 1 que le FN était un "national fascisme"... C'est une bonne définition ?

"Je ne vais pas commenter tout ça..."

Ne faut-il pas changer l'argumentation pour contrer la montée ou l'ascension résistible du FN ?

"L'ascension est totalement résistible, je l'espère ! Il faut d'abord traiter les problèmes des Français ! Je suis chef du gouvernement, pas du PS. Le PS doit mener la bataille des idées, des valeurs. Moi je suis attaché bien sûr aux valeurs républicaines et je les défends tous les jours, mais je veux traiter les problèmes des Français : les problèmes de l'emploi, l'éducation, la sécurité, le vivre ensemble, l'avenir du pays. Ce sont les solutions que nous proposons qui seront au rendez-vous du succès pour que la France retrouve sa force et son influence, qu'elle retrouve son rôle leader en Europe ! Ce que veut le Front National, c'est tout à fait le contraire des gens modestes qu'elle prétend défendre, car c'est le repli derrière les frontières, c'est une ligne Maginot, elles ont toujours été transpercées ! Moi je veux défendre la France ! D'une certaine façon, je vais vous dire : le Front National n'aime pas la France ! Car la France n'est pas un pays qui se rapetisse, qui se recroqueville ! Il défend des valeurs et a un rayonnement mondial ! Je crois aux chances de la France !"

Vous ne laisserez pas le Front National devenir premier parti de France aux européennes...

"Non, et pour cela il faut traiter les problèmes des Français..."

La Justice a innocenté Nicolas Sarkozy, vous en réjouissez-vous pour la Justice ?

"Ce n'est pas un problème de se réjouir ou pas se réjouir. C'est se féliciter que la Justice en France travaille de façon indépendante, qu'il faut la respecter dans son indépendance. Vous vous souvenez, il y a quelques mois, les juges étaient attaqués... Le juge a pris ses responsabilités sur la base du droit, en toute indépendance : je crois que c'est l'honneur de la Justice ! Plus la Justice sera indépendante, plus la République se portera mieux."

Depuis 126 jours, nos deux collègues d'Europe 1, Didier François et Edouard Elias sont retenus en Syrie...

"D'abord, je partage l'inquiétude, l'angoisse des familles, et les vôtres aussi comme collègues (...) Nous avons des preuves de vie. C'est très important. Nous faisons tout pour faire en sorte qu'ils soient libérés. Simplement je ne peux pas vous donner plus d'information, pour des raisons de sécurité. Ca vaut pour tous les otages."

Il y a des contacts ?

"Il y a le travail de nos services, mais je ne vais donner d'information."

Des preuves de vie récentes ?

"Oui, comme c'est le cas pour les autres otages, nos autres compatriotes détenus. Chaque jour, je peux vous dire, le Président, les membres du gouvernement, moi-même, Laurent Fabius, Jean-Yves le Drian, nous travaillons à leur libération."

Etes-vous favorable à ce que le prix Nobel de la Paix soit attribué à l'ile de Lampedusa ?

"Je ne décide pas du prix Nobel, je ne vais pas faire de compétition pour le prix Nobel. La seule chose, c'est que Lampedusa a été un drame terrible qui interpelle toute l'Europe. J'ai demandé que le conseil européen en parle, ce sera à l'ordre du jour le 24 et 25 octobre. On peut trouver des solutions ! J'étais hier avec la vice-présidente du gouvernement espagnol qui m'a rappelé que son pays avait été confronté à des situations similaires aux Canaries, que l'Espagne a pris le problème à bras le corps en négociant avec le Maroc, avec le Sénégal et la Mauritanie, les pays d'origine. Il faut le faire, c'est très important, ce n'est pas assez fait. Il faut aussi organiser la sécurité aux frontières, il y a énormément de problèmes par la Libye, et assurer le développement.. C'est tout ça qu'il faut faire, l'Europe doit être en pointe."