Au lendemain des révélations du Canard enchaîné concernant l’espionnage supposé de journalistes d’investigation par un "groupe" au sein de la DCRI, Edwy Plenel a interpellé Nicolas Sarkozy dans un éditorial. Le patron de Mediapart, qui a intitulé son billet "Espionnage d'Etat des journalistes : Monsieur le Président, cela vous concerne", a ainsi décidé jeudi de "sortir de sa réserve".
"Ces témoignages de sources au coeur de l'Etat sont trop insistants et les faits qu'ils rapportent sont trop concordants pour que nous gardions cette réserve professionnelle", écrit-il. Jusqu'ici, le créateur du site d'informations qui avait rendus publics de Liliane Bettencourt, était resté "prudent et secret" sur le sujet. Il considérait que "des confidences anonymes ne sont pas des preuves probantes".
Des journalistes "pistés"
Jeudi, Mediapart a révélé que deux de ses journalistes enquêtant que les affaires Karachi et Bettencourt, dont Fabrice Lhomme, ont été "géolocalisés" et "pistés" lors de leurs rendez-vous avec leurs informateurs. "Nous avons appris que nous avons été géolocalisés lors de nos déplacements en mars-avril, alors que nous enquêtions sur les rétro commissions et l'attentat de Karachi avec Fabrice Arfi", a confié Fabrice Lhomme.
"A l'époque, nous avions des rendez-vous aussi bien avec Claude Guéant, Brice Hortefeux ou Bernard Squarcini, mais aussi avec des informateurs discrets comme d'ancien responsables des services secrets", a-t-il précisé.
"On veut dissuader les sources de nous parler", a-t-il déploré :
Pas de "cabinet noir"
Alors que le Canard enchaîné affirmait mercredi que Nicolas Sarkozy supervisait lui-même l’espionnage des journalistes, l’Elysée a qualifié de "totalement farfelues" ces révélations. De son côté, Bernard Squarcini, patron de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), cité par le Canard enchaîné, a démenti l’existence d’un "cabinet noir".
Auditions jeudi
Dans le cadre de l’affaire des journalistes espionnés, la délégation parlementaire aux renseignements, qui réunit des députés et des sénateurs, a auditionné jeudi le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, ainsi Bernard Squarcini.
"Les auditions qui se sont déroulées ce matin ne peuvent pas être suffisantes", a déclaré Bruno Le Roux, député PS de Seine-Saint-Denis jeudi sur Europe 1. "Moi je pense qu’il faut qu’il y ait une enquête qui soit totalement transparente. Dans un cadre démocratique, on ne peut pas accepter que des journalistes fassent l’objet d’investigations", a-t-il ajouté. Dès mercredi, le Parti socialiste avait demandé une enquête sur ce sujet.