Girls’ Generation, Super Junior, 2PM, voilà les groupes préférés de Jane Carda, une Lyonnaise de 28 ans, et Maxime Paquet, un Parisien de 31 ans. Si ces noms ne vous disent rien, c’est que vous n’avez pas encore découvert la K-pop, la pop sud-coréenne. Vrai phénomène de société en Asie, le mouvement est en train de gagner la France.
"Ils ont tout reformaté avec leurs codes"
Mélange de musique populaire coréenne et d’influence anglo-saxonne, la K-pop – attention à bien prononcer "Kay-Pop", sous peine de passer pour un inculte… – est multiforme : les groupes chantent aussi bien de la soul, que du disco, de la dance, du hip-hop ou de RnB. "Les Sud-Coréens se sont inspirés de la musique américaine mais ils ont tout reformaté avec leurs codes", résume Jane Carda, une jeune métisse titulaire d’une licence d’anglais.
Brushing parfait, posture étudiée, chorégraphie millimétrée, les stars de la KPop ne doivent rien au hasard. Dès l’adolescence, ils sont formés au chant, à la danse et à la comédie, dans des académies à la rigueur quasi militaire – pas de sorties, pas de petit(e)s ami(e)s, presque plus de contacts avec leurs parents. "Pas de liaison, pas de scandale, c’est dans leur contrat. On ne les force pas, on les éduque", explique à la chaîne Al-Jazeera, Yoon Deung Ryong, le patron du label DR Music, pionnier de la K-pop. "Les membres des groupes doivent rester mystérieux", justifie-t-il.
"Surentraînés pour être bons en tout"
Mystérieux, mais surtout presque clonés. Pour un œil non averti, il est difficile de faire la différence entre tous les groupes créés de toutes pièces et formatés pour plaire au plus grand nombre. "Certes, chaque groupe est un concept marketing. Mais les Coréens ont mis le paquet sur la formation des artistes et l’encadrement – avec des collaborateurs de renom qui travaillent aussi avec des stars américaines. En France, nos boys bands étaient ‘cheap’, la KPop se donne des moyens", assure Maxime Paquet. "Leurs clips sont beaucoup plus soignés. Ce sont de véritables mini-films", renchérit Jane Carda. "Les chanteurs sont surentraînés pour être bons en tout. Ils sont mignons, hyper bien habillés… C’est difficile de ne pas apprécier", ajoute la jeune femme.
Regardez le clip de Sorry Sorry, un des tubes des Super Junior :
Dans la boutique où elle travaille à Lyon, Jane Carda ne diffuse d’ailleurs que de la K-pop. "Les gens ne s’aperçoivent même pas que c’est du coréen. La musicalité de la langue fait que ça coule bien", assure-t-elle. Même si, concède-t-elle, "avec la barrière de la langue, ça ne sera jamais un style de musique qui cartonne." Du coup, beaucoup de groupes ont trouvé la parade et sortent certains morceaux en version anglaise.
Des fans férus de culture asiatique
Maxime Paquet n'a pas vraiment ce problème de langue. Né en Corée du Sud et adopté par des Français, c’est en prenant des cours de langue pour renouer avec ses racines, qu’il a été séduit par la musique. Il a donc créé l’association Korean Connection, avec d’autres élèves de son cours de coréen. "A la base, j’aime le jazz et la musique classique. Je n’aurais jamais imaginé m’intéresser à la K-pop", confie-t-il. Jane Carda, quant à elle, prévient que les fans "détestent être comparés à ceux de Tokio Hotel ! [un groupe de pop allemand qui a eu son heure de gloire au début des années 2000, ndlr]". "Tout le monde n’est pas un ado hystérique ! Il y a beaucoup de gens majeurs qui s’intéressent à la culture coréenne sous tous ses aspects – la cuisine, les dramas (séries télés, ndlr) – et plus globalement à l’Asie", assure-t-elle.
C’est d’ailleurs via le Japon que la K-pop a déferlé sur la France. "La culture japonaise est très connue en France depuis de nombreuses années. Beaucoup de gens s’intéressent aux mangas et à la musique moderne japonaise, la JPop. Or, les artistes coréens de K-pop se produisent depuis longtemps au Japon et y sont même de véritables stars. Dès 2004, le Japon a été un pont entre la France et la Corée du Sud", explique Maxime Paquet.
Un phénomène "encore très underground"
Jane Carda s’apprête à quitter son emploi de vendeuse pour se consacrer entièrement au magazine Kpop Life qu’elle a créé au printemps dernier à l’occasion des tout premiers concerts de K-pop en France. Le bimensuel, consacré à la KPop mais aussi à la culture coréenne, s’écoule déjà entre 10 et 15.000 exemplaires et Jane Carda a désormais l’objectif de développer une version en anglais. Selon elle, le phénomène KPop "est encore très underground. On n’a pas encore atteint le sommet de la vague".
Pour le moment, il est difficile de dénombrer les fans en France. Jane Carda estime qu’environ 30.000 personnes sont déjà sous le charme des groupes sud-coréens. Maxime Paquet lui avance même le chiffre de 100.000 fans. L’an dernier, les billets des deux concerts de K-pop au Zénith de Paris s’étaient arrachés en une dizaine de minutes. Mercredi, un concert géant organisé par une chaîne de télévision coréenne va rassembler 15.000 spectateurs à Bercy.
Regardez un clip des Girls' Generation qui seront à Bercy :
Les maisons de disques françaises découvrent la K-pop
Des fans qui ne sont pas découragés par le prix des billets de ce concert (jusqu’à 100 euros) ou par la difficulté à trouver les disques de leurs groupes favoris. En effet, la K-pop n’est pas encore arrivée dans les bacs des disquaires généralistes. Seule solution, écouter les dernières nouveautés sur Internet – le site de partage Youtube a d’ailleurs créé mi-décembre une chaîne thématique spéciale KPop – ou importer directement les disques et les produits dérivés de Corée du Sud. "Pour éviter que ça revienne trop cher, les fans font des commandes groupées", explique Maxime Paquet.
Mais les choses pourraient évoluer rapidement. Les maisons de disques commencent à prendre conscience du phénomène. Le label Polydor, d’Universal Music France, a ainsi signé fin octobre un contrat avec les producteurs des Girls’ Generation pour distribuer leur troisième album en France.