Soir et week-end. Depuis dix jours, l’Assemblée nationale fonctionne à plein régime. Jour, nuit et week-end, les députés débattent du mariage pour tous sans compter leurs heures. Avec notamment une nuit blanche de dimanche à lundi qui devrait marquer les esprits. Quant aux employés du Palais-Bourbon, ils ne devraient pas, malgré la fatigue, se plaindre outre mesure. Car cet afflux d’heures supplémentaires représente un surplus de rémunération conséquent puisque sur un an, il leur permet de doubler leurs émoluments. Décryptage.
Le culte du secret. Au Palais-Bourbon, les langues ne se délient pas facilement, quand il s’agit d’évoquer le salaire des agents de la maison. "Les grilles de rémunération des agents de l’Assemblée nationale ne sont pas diffusées. Elles font partie des secrets les mieux gardés de la République", notait en juin 2012 l’Ifrap, un think-tank spécialisé dans les politiques publiques.
Une opacité également notée par Bruno Botella, auteur Petits secrets et grands privilèges de l'Assemblée nationale." En 2008, le président de l ‘Assemblée nationale d'alors, Bernard Accoyer, avait lui-même demandé à la Cour des comptes de venir auditer l’Assemblée nationale et ça s’était très mal fini puisque les magistrats avaient été quasiment chassés de l’Assemblée", rappelait le journaliste mercredi soir sur France 2. Mais à force de recoupements et de témoignages, la Fondation Ifrap est parvenue à chiffrer le tout.
Des heures supplémentaires grassement payées. Les quelque 1.300 fonctionnaires de l’Assemblée bénéficient d’un régime dérogatoire très favorable. C’est surtout vrai pour les heures supplémentaires. "Etant donné le rythme très particulier de fonctionnement de l’Assemblée et qui n’est pas défini par avance, on a considéré que les primes qui sont distribuées en fonction du fonctionnement de l’Assemblée sont distribuées à tout le monde, que les agents soient présents physiquement ou non", expliquait à France 2 René Dosière, député apparenté PS spécialiste des finances publiques.
En clair, il suffit qu’un service soit représenté lors des sessions de nuit ou de week-end pour que chaque agent de ce service touche une prime. L'Ifrap évalue à 50.000 euros par heure le coût d’une séance de nuit à l’Assemblée.
Un doublement de salaire. Au final, l’addition des indemnités d’heures supplémentaires à l’Assemblée s’avère salée. En 2009, avec 1.269 heures de travail supplémentaire, le total de ces indemnités atteignait 53,14 millions d’euros, contre 52,74 millions pour le seul salaire. En 2010, 1.054 heures supplémentaires ont été décomptées pour un surcoût de 48,44 millions d’euros, contre 53 millions d’indemnités de salaire. Chaque année donc, les agents voient leurs émoluments quasiment doublés grâce à ces primes. Rien d’étonnant donc à ce que le salaire moyen des fonctionnaires de l’Assemblée s’élève à plus de 7.000 euros brut par mois, toujours selon l’Ifrap.
Des députés divisés. Sur ce sujet, l’ire des députés trouve deux sources. D’abord parce qu’ils goûtent peu que l’on touche à leur institution. "Dans un des grands journaux de 20 Heures, une des grandes chaînes nationales (…) s’est livrée, comme c’est fréquemment le cas hélas, à un certain antiparlementarisme", a déploré le député UMP Marc Le Fur, l’un des plus actifs opposants au mariage pour tous.
Mais les élus ne contestent pas pour autant le surcoût, dont ils se renvoient la responsabilité. "Il semblerait que l’ensemble des services soient rémunérés. Si c’est le cas, ce n’est pas normal", s’est ainsi insurgé l’UMP Philippe Gosselin en séance. "Une séance de nuit est toujours moins chère que les dépenses engagées par les amendements déposés par l’UMP", a rétorqué le socialiste Razzy Hammadi.