Une proposition de loi. Lors de son interview exclusive sur Europe 1 et TF1, mercredi soir, Nicolas Sarkozy a jugé "invraisemblable" de se trouver face à un magistrat du Syndicat de la magistrature, classé à gauche. Une référence à Claire Thépaut, la juge traitée de "rouge" par les amis de l'ancien président. Au lendemain de cette contre-attaque, les sarkozystes ont continué de s'en prendre aux "petits pois" et rappelé qu'une proposition de loi de l'UMP était déposée à l'Assemblée pour interdire aux juges le droit de se syndiquer.
Le texte a été rédigé début mai par le député UMP des Alpes-Maritimes Eric Ciotti. Il vise, selon son auteur, à "interdire l'appartenance syndicale pour les magistrats comme cela est déjà le cas pour d'autres fonctionnaires tels que les militaires". La proposition de loi organique prescrit notamment que "toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration ou adhésion à une organisation de nature politique ou syndicale incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions".
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Article unique
L’article 10 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est remplacé par les dispositions suivantes :
« Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire.
« Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration ou adhésion à une organisation de nature politique ou syndicale incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
« Est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions. »
"Se débarrasser du militantisme syndical". Toute la matinée de jeudi, les amis de Nicolas Sarkozy ont repris en boucle cette proposition pour le moins radicale. "La justice gagnerait à avoir le même comportement que l'armée et ne pas avoir la possibilité d'être syndiquée pour pouvoir exercer son métier dans la plus grande sérénité et en toute impartialité et aujourd'hui, ce n'est pas le cas", a affirmé la fidèle Nadine Morano. Le député UMP Henri Guaino, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, a estimé, de son côté, qu'il fallait supprimer le syndicalisme dans la magistrature mais aussi l'Ecole supérieure de la magistrature, où sont formés les juges. "Une magistrature sereine qui fait son travail avec rigueur et le maximum de sérénité possible doit se débarrasser du militantisme syndical", a affirmé Henri Guaino, rappelant qu'il figurait sur le "Mur des cons" affiché dans les locaux du Syndicat de la magistrature.
Mais il est interdit d'interdire. Mais Henri Guaino connaît un minimum le droit. Et sait qu'en pratique, la proposition de loi de son collègue UMP Eric Ciotti n'a aucune chance d'être adoptée puisque la liberté syndicale est un droit constitutionnel. "On va me dire : 'c'est un principe constitutionnel'. Eh bien, il faut faire un référendum et dire que ni dans l'armée ni dans la magistrature, on ne peut être syndiqué", s'est exclamé le député des Yvelines.
En effet, on ne touche pas à la liberté syndicale comme cela. "Ce droit est inscrit dans le Préambule de la Constitution. Le législateur ne peut donc pas y toucher", souligne le constitutionnaliste Dominique Rousseau, contacté par Europe1.fr. "Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix", peut-on lire dans le texte de 1958. Ce qui signifie que chacun est libre d'adhérer ou non à un syndicat." La liberté syndicale peut être amenagée par la loi en tenant compte de la spécificité de certaines professions, mais en aucun cas supprimée", ajoute le professeur de droit constitutionnel à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
"Pas au garde-à-vous !". Comparer un juge à un militaire est "purement scandaleux", s'emporte Dominique Rousseau, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature de 2002 à 2006. "L'armée est faite pour obéir aux ordres, la magistrature n'est pas là pour être au garde-à-vous mais pour appliquer la loi !", s'indigne Dominique Rousseau.
"Un regard critique". Dans les rangs des magistrats, cette idée de supprimer le syndicalisme a aussi heurté. "Il y a un principe fondamental : la liberté syndicale. Les magistrats sont libres d'adhérer au syndicat de leur choix, gauche, droite, centre, peu importe. Ce qui est important pour l'institution judiciaire, c'est qu'il puisse y avoir un regard critique sur son fonctionnement", a indiqué la présidente du Syndicat de la magistrature Françoise Thébault, sur Europe 1. "Je demanderais à ceux qui réclament cette interdiction de bien réfléchir à tout ce que le syndicalisme a apporté à notre pays, à toutes les conquêtes sociales qu'il a permises. Le syndicalisme désigné comme "mal", cela me fait peur", a, pour sa part, confié à francetvinfo Emmanuel Poinas, secrétaire général de FO-magistrats.
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